Le tsunami de la dette

juillet 14, 2011 on 8:19 | In Best of, Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, Elections présidentielles 2012, Europe, France, International, La Cour des Mécomptes, Poil à gratter | Commentaires fermés

Les pays qui ont souffert de la crise de 2008 se sont endettés pour s’en sortir. Tous. Le problème, c’est que ceux qui avaient déjà un budget fortement déficitaire se sont trouvés avec un abîme sous leurs pieds. Et ceux qui, en plus, ou plutôt, en moins, avaient déjà une dette publique importante, constituée d’années de déficits cumulés, se sont trouvés face à une montagne qu’ils ne pouvaient pas rembourser. Voilà pour la photo.

Mais, si on regarde la situation avec une vue dynamique, le film est pire. Parce que ces États ont bénéficié, jusqu’ici, de taux d’intérêts extraordinairement bas. Si tel n’avait pas été le cas, les déficits eussent été encore bien pire, et leur incapacité à rembourser de même.

Vous pensez que je suis en train de vous bassiner, pour la nième fois, de la crise grecque. Eh bien non. Le sort des Grecs est déjà scellé, ils sont bel et bien faillite, et ce sont les créanciers, lire les grands argentiers européens, qui fixent maintenant les efforts à faire de la part du pays exsangue. Pour vous donner une ordre de grandeur, la Grèce verra son économie se contracter de 4% en 2011 du fait de l’austérité requise pour passer d’un giga-déficit structurel à un déficit modeste. On est encore loin du moindre espoir de remboursement de quoi que ce soit.

Alors quel est ce pays menacé? L’Irlande? Non, son sort est aussi réglé que celui des Grecs. Non, je vous parle aujourd’hui de deux groupes de pays. L’Espagne et l’Italie d’une part, la France et les États-Unis de l’autre.

L’Espagne et l’Italie se débattent pour ne pas en arriver là où sont les Grecs. Ainsi Berlusconi, dont toute idée de vertu budgétaire s’accorde mal avec la fibre populo-électoraliste, vient de voter un plan d’austérité de 47 milliards d’euros pour « rassurer les marchés ». Et l’Espagne de même est à la diète.

Alors, pourquoi la France et les États-Unis? Justement par ce qu’ils ne font rien quand les autres font tout pour ne pas succomber. Les Etas-Unis ont un déficit abyssal, constitué grosso modo de phénoménales baisses d’impôts pour les riches votées par Bush et de hausses des dépenses votées par Obama, cumulées avec les effets et méfaits de la crise. Le problème, c’est que les Républicains tiennent le pouvoir législatif et les Démocrates le pouvoir exécutif, et qu’il faut un compromis pour arriver à faire quoi que ce soit. Et de compromis, pour le moment, il n’y a pas trace. Bien au contraire. Les Républicains refusent toute hausse d’impôts, si minime soit-elle, comme la suppression de la niche fiscale pour les avions d’affaires, et exigent que tout vienne d’une réduction des dépenses, notamment des programmes sociaux. Ce qui est exactement le contraire de ce que veulent les Démocrates. Et, comme on en est là, le pays va toucher bientôt le plafond de la dette nationale qui est autorisé par le législateur, et, là, ce sera le chaos si aucune solution n’est trouvée avant, quand l’État sera au point mort, sans services publics, ni fonctionnaires. Les agences de notation l’ont bien compris, qui ont menacé de retirer le fameux AAA, signe d’une solidité financière maximale à un pays si mal géré. Et il ne faudra pas s’en prendre aux agences si la terre tremble dans la planète finance ce jour là.

El la France? Elle avance gaillardement vers un séisme de même nature. Les efforts réels de l’équipe Sarkozy pour réduire les dépenses de l’État ne doivent pas être minimisés, tant ils lui coûtent électoralement, et tant ils sont contraires aux dépenses sans frein des décennies précédentes. Mais ce n’est pas, loin s’en faut, à la hauteur des enjeux. Nicolas Sarkozy le sait, qui avance sur la ligne de crête du « maximum possible », comme il l’a fait avec la réforme, très insuffisante, des retraites. C’est pourquoi il met les socialistes au pied du mur. Du mur de la dette bien sûr, en mettant sur la table la « règle d’or », et son inscription dans la Constitution, qui impose un retour à l’équilibre budgétaire. Pour cela, il faut à la droite au moins 40 voix de gauche. Laquelle gauche n’a aucune intention de voter une telle réforme. Surtout au moment où droite et gauche entament la périodes des cadeaux d’année électorale.

On verra à ce moment-là, qui se soucie sérieusement de ce problème terrifiant, et qui se satisfait de gagner les élections d’aujourd’hui. Qui veut éviter à son pays d’être la Grèce de demain, mais en bien pire, parce que l’Allemagne a les moyens de payer la faillite grecque, mais pas la faillite française, qui aura sans doute été entre temps précédée de l’Italie et/ou de l’Espagne, mais pas la faillite française. A ce moment là, il sera facile de blâmer tel ou tel. Les agences de notation, bien sûr. Les banques aussi. Les hommes politiques enfin. Mais ce serait comme blâmer les dirigeants qui ont concédé la capitulation de Munich face à Hitler? Que pouvaient-ils faire, face un peuple français qui ne voulait à aucune prix se battre?

Quant à inscrire dans la Constitution le principe qu’on ne peut dépenser de l’argent qu’on n’a pas, quelle cruelle et lamentable ironie qu’il n’y ait pas assez de députés et sénateurs courageux, alors même qu’ils se sont bousculés pour voter le « principe de précaution ». Comme si accumuler une telle dette et risquer une telle faillite était le signe de la moindre précaution…

C’est pourquoi, vers 2014-2015, JusMurmurandi changera son nom en « JusMurmurandis ». Cela fera plus Grec…

No Comments yet

Désolé, les commentaires sont fermés pour le moment.