Mort et renaissance d’une dictature, printemps arabe et hiver russe

décembre 12, 2011 on 9:42 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, France, Incongruités, Poil à gratter | Commentaires fermés

Le monde entier a regardé ébahi la mort de dictatures arabes qu’on croyait autrement solides. Ben Ali, Moubarak, Kadhafi ont disparu, Saleh est en train de partir, et Assad vacille. D’autres ont consenti des concessions pour éviter le pire. D’autres encore ont peur de subir le même sort.

Mais la semaine dernière, une démocratie, ou ce qui en restait, est morte, et une dictature est née. Et pas dans un pays insignifiant, mais dans le plus grand, et probablement le plus dangereux d’entre eux, la Russie.

Car, qu’est-ce qui est déterminant dans le fait qu’un pays soit une démocratie ou une dictature? L’existence et le résultat d’élections.

Il est maintenant couramment admis en Occident que le parti de Vladimir Poutine aura volé sa majorité. Il a déclaré avoir reçu 49% des suffrages, et les observateurs pensent que ce chiffre est surévalué d’une vingtaine de pour-cent. Ce qui fait que la majorité que son parti, Russie Unie, aura à la Douma, l’Assemblée Nationale russe, ne sera due qu’à ces votes apparus par autre chose que la volonté des électeurs. Le résultat aura donc été dû avant tout à la fraude.

Les à-côtés de cette manœuvre sont habituels: interdiction des observateurs « objectifs », contrôle des média, limitation des réseaux sociaux, arrestations avant et pendant les élections, menaces, etc…

Vous me direz que la démocratie précédente n’était pas, loin s’en faut, parfaite, avec des média largement contrôlés par le Kremlin, et des opposants emprisonnés, des réunions d’opposants interdites « pour des raisons de sécurité », mais enfin, même si Poutine trichait de cette façon, la réalité de sa popularité n’était pas contestable, et le résultat des élections n’était pas faussé.

Un coup d’œil aux nouvelles d’hier soir sur Canal 1, la grande chaîne russe, était révélateur. Certes, on parlait de la manifestation de Moscou, mais pas des autres villes russes. Les chiffres cités (10.000 manifestants dans les titres, 25.000 au cours du reportage) étaient très inférieurs aux estimations occidentales (de 60.000 à 80.000 pour la seule capitale). Les images ne montraient pas non plus le gros du rassemblement, pas de marée humaine, pas d’images de trouble, tout était calme, limite ennuyeux. Et immédiatement après, des images de répression violente de manifestations à Paris et à New-York. Ce qui, évidemment, montrait que Moscou était plus calme et civilisée que ces grandes villes de démocraties qui critiquent le régime russe. S’ensuivit un long reportage sur la crise de l’euro montrant une Europe en grande difficulté à cause des Américains diaboliques. Édifiant!

Alors, allons-nous faire quelque chose contre ce pays maintenant grevé d’un régime dictatorial et d’un pouvoir illégitime? Non, bien sûr. La Russie n’est la la Libye. Il ne faut pas oublier son arsenal nucléaire énorme, hérité de l’Union Soviétique, ni son rang de premier producteur de gaz naturel, sans lequel notre hiver sera un cauchemar glacé.

Et puis, après tout, ce ne sera pas pire que la Chine, où règne le parti unique, et qu’il est de bon ton de prendre pour exemple en tout.

Comme quoi la maxime de La Fontaine a gardé toute son actualité: selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir…

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