SeaFrance, un naufrage bien français…

janvier 4, 2012 on 10:01 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, Elections présidentielles 2012, France, La Cour des Mécomptes, Poil à gratter | Commentaires fermés

SeaFrance était une compagnie de ferry-boat dépendant de la SNCF. 4 navires, portant des grands noms de la culture française, pour relier Calais à Douvres. L’ouverture, puis le succès du lien ferroviaire par le Tunnel a malmené l’activité des ferries, jusqu’au jour où la SNCF, lassée de financer des pertes sans perspective d’inverser la tendance, a déposé le bilan de sa filiale.

Jusque là, rien que du banal, sauf pour les quelques 800 salariés, catastrophés à l’idée de perdre leur emploi…. encore que…

Encore que, parce que, quand l’armateur Louis-Dreyfus veut discuter avec les employés d’un plan pour reprendre l’entreprise et en maintenir plus de 300 en poste, cex-ci ne daignent pas l’honorer de leur présence. Chaises vides, Messieurs les employés ont sans doute mieux à faire… notamment à écouter le chant des sirènes de CGT qui mettent le pouvoir en demeure de sauver l’entreprise. Une CGT qui préfère manifestement une « bonne cause » médiatique à plus de 300 emplois. Rien que du classique.

Le jour s’approche du jugement du tribunal de commerce qui va condamner l’entreprise à la liquidation, car il n’existe aucun plan de reprise, sauf celui des employés qui veulent monter une coopérative ouvrière pour reprendre eux-mêmes leur outil de travail. Qu’aucun repreneur ne se manifeste quand les employés ne veulent même pas ouvrir de discussion, on le comprend. Et que les mêmes employés ne trouvent aucun financement pour leur projet de SCOP, on le comprend aussi. Le Tribunal ne va quand même pas accepter un plan de reprise sans l’ombre du moindre financement, donc c’est la culbute annoncée…

Sauf que nous sommes en pré-campagne électorale, et que le pouvoir n’a pas envie d’un abcès de fixation fortement télévisuel. Sarkozy s’empare du dossier et décide de soutenir le projet de coopérative ouvrière. Comment faire pour financer sans que Bruxelles, toujours sourcilleuse en matière d’aide qui pourrait être une distorsion de concurrence, ne s’y oppose?

C’est là que le feuilleton prend une tournure bien française. Le Président va ordonner à la SNCF d’augmenter les indemnités de licenciement d’un montant dit « supra-légal », c’est à dire au-delà de ce que la loi prévoit de 40.000€ par employé. De l’argent public, bien sûr. Et cet argent sera le capital qui va servir à financer le projet de SCOP.

JusMurmurandi s’en étrangle dès avant le jugement du tribunal de commerce, par plomber la SNCF pour faire avancer un projet dans le seul but de repousser une échéance inéluctable jusqu’à après les élections, c’est juste un gâchis absolu par manque de courage.

Là où ça devient encore plus « drôle », c’est que les employés ne veulent pas de cette solution, car ils disent ouvertement et froidement à la télévision qu’ils ont peur de ce qu’il se passera si le projet ne marche pas. Car alors, adieu des grasses indemnités et le supra-légal. Ils veulent bien devenir propriétaires et sauver leur emploi, mais sans prendre le moindre risque.

Après tout, disent-ils, l’État n’a qu’à piocher dans les fonds du FSI et de la Caisse des Dépôts pour faire assurer la flottaison financière de l’ensemble. On connaît la recette, c’est la même que celle d’Air Liberté, ou le repreneur, Jean-Charles Corbet, n’a pas mis un sou et s’est hâté de s’attribuer une partie des indeminités mises par le précédent propriétaire, Swissair, pour éviter le crash de cette compagnie aérienne tout en s’en débarrassant . On sait comment ça a fini, par un crash quand même, un gâchis d’argent public mis par le vertueux gouvernement socialiste de Lionel Jospin, et Corbet en correctionnelle, condamné à de la prison ferme.

Alors que va-t-il se passer pour SeaFrance? Sarkozy pliera-t-il une seconde fois pour pouvoir, à nos frais, enfourcher le cheval de la défense de l’emploi? Les employés toucheront-ils une indemnité supra-légale dont la seule existence abusive avait pour but de financer leur projet au lieu de les enrichir au point qu’ils préfèrent le cash à l’emploi? Ou bien le sens de la bonne gestion des deniers des contribuables prévaudra-t-il enfin soit dans l’équipe présidentielle soit au tribunal de commerce pour renvoyer des employés et leurs syndicats qui ne veulent pas discuter avec des repreneurs privés et veulent reprendre leur outil de travail mais sans y mettre le moindre centime, à leurs contradictions? SeaFrance servira-t-il de mauvais exemple à tous les employés de toutes les entreprises à l’agonie en montrant qu’on peut, comme toujours en France, faire payer l’État, c’est-à-dire vous et moi? A commencer par la raffinerie Petroplus, aussi à l’arrêt que les ferries de SeaFrance, et dont le patron est reçu aujourd’hui par le ministre de l’industrie.

Ne vous y trompez pas, la bataille pour le financement de 800 emplois pour faire voguer des ferries déficitaires n’est pas triviale, mais au contraire exemplaire. Car elle symbolise la cause qui, à elle seule, fait que la France va perdre son AAA alors que le chômage allemand a atteint en décembre un nouveau « plus bas » depuis la réunification: le manque de courage.

Autant de raison pour la droite d’être déçue de Sarkozy, qui avait promis autre chose. Sauf qu’en face, c’est Hollande, qui, après avoir capitulé sur la réembauche de 60.000 professeurs, vient de mettre aux oubliettes la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG. C’est-à-dire d’enterrer les seules deux mesures claires et concrètes de son programme.

Comme dit l’adage: quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console…

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