Les pilotes et leur syndicat viennent de tuer Air France!

février 29, 2012 on 10:09 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, Elections présidentielles 2012, Europe, France, Incongruités, International, La Cour des Mécomptes, Poil à gratter | Commentaires fermés

Air France sera-t-il la prochaine entreprise tuée par ses syndicats? Déjà SeaFrance, qui partage avec la compagnie aérienne d’être dans les transports et d’avoir été longtemps une entreprise nationale avait été envoyée au cimetière avec ses personnels par son syndicat CFDT qui a refusé de même rencontrer un repreneur prêt à embaucher 600 de ses employés, alors qu’aujourd’hui il n’en a repris que moins de 200.

Quel rapport avec Air France, qui n’est pas en règlement judiciaire, encore moins en liquidation? D’abord que la compagnie anciennement « nationale » a de vrais soucis de rentabilité. Face aux low cost, comme Ryanair ou Easyjet, bien sûr, qui grignotent sa part de marché, mais aussi, et c’est beaucoup plus inquiétant, face à ses concurrents directs et comparables, comme Lufthansa et British Airways-Iberia, qui sont tous deux rentables quand Air France-KLM affiche des pertes importantes.

Ensuite que le Gouvernement veut mettre en place ce qui fonctionne dans les transports terrestres, pour éviter une prise en otage systématiques des usagers partant en vacances par des grèves pour des revendications catégorielles. Il s’agit d’obliger les personnels de se déclarer individuellement 48 heures à l’avance comme « grévistes » ou « non-grévistes », ce qui permet à l’entreprise de se réorganiser et de prévenir ses passagers pour minimiser les perturbations. Ce projet de loi a vu les personnels Air France se mettre en grève pendant 4 jours le mois dernier.

Mais où est donc la condamnation à mort dont parle cet article? C’est que le SNPL, le syndicat national des pilotes de ligne, majoritaire, vient d’obtenir de la Compagnie (c’est comme cela qu’on appelle Air France « de l’intérieur ») un accord qui fait que les plannings individuels des pilotes ne sont révisables « qu’avec leur accord individuel, quelles que soient les circonstances, sans exception ».

Les pilotes d’Air France peuvent être en mission, en vacances, en congé de maladie, ou en réserve. Le fait que les plannings, jusqu’ici révisables, deviennent fixes, fait que tous les pilotes « en réserve » pourront se déclarer non-grévistes -et, soit dit en passant, être payés- tout en refusant tout changement de planning qui leur ferait assurer un vol menacé d’annulation par la grève. Inutile de dire à quel point ce texte va à l’encontre de l’intention du législateur, qui voulait minimiser les entraves au bon acheminement des passagers.

Mais il y a beaucoup plus grave. Ce texte introduit un invraisemblable accroissement de la rigidité de fonctionnement de la Compagnie, puisque l’accord s’applique aussi quand la Compagnie pourrait avoir besoin de flexibilité en temps normal. Qui dit rigidité dit augmentation des coûts et diminution de la performance. Est-ce ce qu’il faut faire dans une entreprise menacée de mort par sa non-compétitivité?

Bien sûr, le syndicat SNPL, majoritaire, a habilement profité du contexte de campagne électorale, et de l’arrivée d’un nouveau patron, Alexandre de Juniac, parachuté politique (il était directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy), pour « obtenir » un « avantage désormais acquis ». JusMurmurandi ne peut que constater avec consternation qu’outre que cet accord vide le texte de loi de l’essentiel de son efficacité, il augmente les coûts de la Compagnie sans avantage pour qui que ce soit, ce qui représente le bilan le plus nul qui soit.

Air France et le ministre des Transports le savent très bien, qui bafouillent qu’il s’agit d’un accord « pour sauver la paix sociale », et le ministre d’ajouter avec un évident dépit: « Air France est une compagnie nationale qui est dans une situation préoccupante. Est-ce que tout le monde en a conscience? »

Visiblement les dangers qui menacent la survie même d’Air France ne semblent pas concerner les pilotes, volant sans doute à trop haute altitude pour s’intéresser à de simples problèmes de chiffres. Et très habitués avant la privatisation à être secourus par des quantités illimitées d’argent public pour combler les trous.

Sauf que le monde a changé. De l’argent public, il n’y en a plus, et le droit pour un État d’aider sa compagnie nationale, Bruxelles ne veut pas en entendre parler. D’où la faillite de Sabena ou de Swissair, les Air France belge et suisse, repartis après le naufrage, mais beaucoup plus petits, donc avec beaucoup moins de ces « chers pilotes ». Quant à Malev, l’Air France hongroise, ses avions sont désormais au sol.

JusMurmurandi, qui a parfois l’esprit mal tourné, se dit que le hasard est coquin, qui fait que le SNPL d’Air France s’est choisi un porte-parole dont le nom est « Jobard », mot qui d’après le Dictionnaire de l’Académie Française, a pour synonymes: « simple d’esprit, crédule, niais »…

Peut-être les syndicats d’Air France devraient-ils mieux regarder le dossier SeaFrance?

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