La malédiction de la gauche

mars 26, 2012 on 9:10 | In Best of, Ca m'énerve, Coup de gueule, Elections présidentielles 2012, France, Incongruités, Insolite, Poil à gratter | Commentaires fermés

Avouons-le, le bilan présidentiel de la gauche est calamiteux. Ils ont perdu en 1958, en 1965, en 1969 (même pas au second tour), en 1974, en 1995, en 2002 (même pas au second tour), en 2007. En fait, ils n’ont gagné qu’avec un seul candidat en 54 ans, François Mitterrand.

Comme si cela ne suffisait pas, ce dernier était d’une gauche vraiment « autre », avec son passé et ses amitiés d’extrême-droite et affairistes, son rapport à l’argent, au secret, au mensonge, sa conversion à la rigueur…

Alors, bien sûr, il est possible d’en déduire que la France est structurellement de droite, et qu’il faut une conjonction de circonstances exceptionnelles pour que la gauche passe. Comme en 1981, quand Chirac, deux fois, fit battre son propre camp pour abattre un concurrent gênant (Giscard, puis Barre).

Mais JusMurmurandi, tout à l’observation de la campagne actuelle, se pose une question simple, mais iconoclaste. Et si c’était simplement une question de candidat? Et si la gauche perdait parce qu’elle ne choisit pas (ou ne dispose pas, allez savoir) de candidat de qualité?

Car, soyons franc, en 2002, elle ne pouvait pas perdre face à un Chirac vieillissant, démonétisé par d’une part et de l’autre les affaires, et par un désastre électoral ayant conduit à une cohabitation de 5 ans sur les 7 ans de son mandat. Face à lui, un Premier Ministre intègre, et doté d’un bilan reconnu par les Français. Mais qui fit une campagne si fade, et truffée de quelques retentissantes erreurs, qu’il fut éliminé dès le premier tour. Ce malgré des sondages qui l’avaient longtemps donné vainqueur au second tour.

Et, de même, la situation de la gauche en 2007 aurait difficilement pu être plus favorable. Une France lassée de 12 ans de présidence d’un Chirac largement immobile. Une droite dont le candidat, petit, moche et métèque, avec une solide réputation d’agité, était honni par toute la partie chiraquienne de son propre camp. Et qui, malgré des sondages longtemps annonciateurs du triomphe de son adversaire, la battit à plate couture. Car, il faut bien le dire, Ségolène Royal se révéla tellement faible qu’on se demanda même si elle était tout à fait capable (et le terme est modéré).

Nous voici en 2012. Sarkozy est toujours aussi petit, moche, et métèque. Sa vie privée pèse sur son image (et le terme est modéré), il a perdu l’attrait de la nouveauté, son bilan de 5 ans limite sa crédibilité à faire à l’avenir ce qu’il n’a pas fait dans le passé, et il a du affronter quatre ans de crise grave et profonde sur les 5 ans de son mandat.

Avec tout ça, le candidat de gauche devrait gagner sans même avoir à vraiment livrer bataille. C’est bien ce qu’il essaye de faire, se cantonnant à des envolées lyriques, et critiquant sans relâche le Président en lieu et place de propositions. Mais la mayonnaise ne prend pas. Sa cote flanche lentement, et l’odeur de la victoire annoncée ne génère pas de l’enthousiasme, mais seulement de l’appétit.

Le problème, c’est bel et bien le candidat. Il n’aurait pas du l’être, la place étant promise à un autre, beaucoup plus expérimenté, crédible, et brillant. Mais qui a explosé en vol sur une histoire personnelle. Histoire sur laquelle gauche et journalistes ont fermé les yeux pour ne pas voir ce qui aurait sinon signifié la fin de la carrière de leur supposé champion. Comme avec Mitterrand avant lui. Il (le candidat) n’a aucun passé ministériel, les gouvernements de 1981, 1983, 1988, 1991, 1992, 1993, 1997 ayant tous souhaité faire l’économie de ses talents. Ses propres amis le traitent de « fraise des bois » ou de « capitaine de pédalo », et affirment « qu’il n’a jamais travaillé de sa vie ».

De plus, son positionnement idéologique et politique est tout aussi flou que celui de Mitterrand, chassant à gauche de son électorat de gauche, alors que tout son passé et ses amis démontrent qu’il est à la droite de cette gauche.

Les Français n’aiment pas Sarkozy, toutes les enquêtes le montrent. La façon dont il a osé dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, à savoir que « François Hollande est nul », ne va pas améliorer cette cote d’amour, en montrant une fois de plus le côté direct, cru, sans indulgence, d’un Président qu’ils préféreraient en paladin médiéval, plein du sens de l’honneur de son nom.

Vont-ils, ces Français, élire un Président auquel ils ne croient pas pour se débarrasser d’un Président qu’ils n’aiment pas?

JusMurmurandi se dit que la gauche risque de devoir choisir entre deux malédictions. L’une, qu’elle perde de nouveau une élection imperdable. L’autre, qu’elle la gagne avec un candidat inéligible.

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