Un ministre de choque!

juillet 28, 2012 on 9:51 | In Best of, Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, Elections présidentielles 2012, France, Incongruités, La Cour des Mécomptes, Moi, Président, Poil à gratter | 2 Comments

On aurait presque envie de le plaindre, si on n’avait tant à s’en plaindre, tant il est une tête à claques. Vous aurez compris, cher lecteur, qu’il s’agit d’Arnaud Montebourg. Jusqu’ici, son image se résumait à celle d’un brillant orateur, comme il convient à un avocat, qui mettait ce talent plus qu’un brin provocateur et sa belle gueule au service d’idées à la gauche du PS.

Sauf que, maintenant, le voilà ministre, et pas de n’importe quoi, du « Redressement Productif ». Quelques semaines à peine après sa prise de fonction, le groupe PSA annonce 8000 suppressions d’emplois, et la fermeture du site d’Aulnay sous bois. Difficile de mieux symboliser la déconfiture de la filière industrielle française.

Montebourg commence, suivant sa détestable habitude, et qui lui a valu une condamnation pénale pour injures il y a quelques semaines à peine, par se croire dans un prétoire, et invectiver copieusement le groupe Peugeot et la famille actionnaire. Ils sont coupables de tout, dès lors qu’ils osent fermer un site et réduire le nombre d’emplois.  Et notamment leur stratégie à été mauvaise, y compris l’alliance récente avec General Motors, ils ont dissimulé leurs intentions, ils se sont servi des dividendes alors que l’entreprise aurait du conserver des liquidités, ils ont reçu des aides publiques ce qui devrait leur interdire de licencier, etc.

Sauf que Montebourg aurait du tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler, car Peugeot est un groupe qu’il n’est pas si facile de critiquer de façon raisonnable.

D’abord parce que PSA produit 44% de ses voitures en France, alors que Renault, groupe emblématique du capitalisme d’Etat à la française, n’en produit que 23%. Ensuite parce que la dispersion du capital de Peugeot conduit les membres de la famille à payer chaque année depuis 1981 l’ISF sur leur participation, alors même qu’elle ne leur rapporte la plupart des années récentes, aucun dividende. Rester actionnaire dans ces conditions, alors que la capital fond année après année, est une abnégation à la limite du sacerdoce.

Ensuite parce que, quand Montebourg dit « qu’il a un problème avec la stratégie du Groupe Peugeot », JusMurmurandi se demande de quelles compétences se prévaut le tout jeune ministre pour se dire expert en stratégie industrielle. S’imagine-t-il que les soirées passées avec les camarades du PS à reconstruire le monde sans autre responsabilité que de se répartir le coût des tournées fait de lui un expert? Il est d’ailleurs révélateur qu’il en a nommé un, d’expert, mais qu’il a tiré des propres conclusions avant que ce dernier n’ait rendu son rapport.

Il dit dans le Parisien:  « Ma méthode, c’est la négociation franche pour, ensuite, rassembler tout le monde autour des difficultés et les surmonter ensemble. Il faut que chacun, patrons, salariés, comme actionnaires ou banquiers, se reconnaisse dans un chemin collectif et commun.  » Comment ne voit-il pas que l’invective annule toute possibilité de collaboration avec des gens qu’il vient de traîner dans la boue? Comment ne voit-il pas que sa diatribe affaiblit la cible de sa harangue populiste?

Et le plan dont il se vantait se borne à distribuer plus de subventions à la vente de voitures hybrides et électriques. Un montant dérisoire (500 millions d’euros) dont la plus grande partie s’évaporera en effet d’aubaine, pour des ventes que se seraient faites de toute façon, et dont le plus grand bénéficiaire sera Toyota, leader mondial dans ce domaine.  Il aurait fallu tout ça pour accoucher de ça?

Le résultat? Rien n’a changé au plan de PSA. Pas une virgule. Pour suppléer son ministre qui préfère les grandes phrases assassines et le moulinets de bras à la Don Quichotte, plus à leur place dans un prétoire que dans un dossier épineux, le Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault a du mouiller le maillot, et s’impliquer. Le Président lui-même a du aller chez Valeo faire un véritable éloge de l’entreprise, de l’actionnariat, bref de tout ce que le ministre a tenté de passer à la moulinette. Et la droite s’en donne à coeur joie, ravie du cadeau politique que Montebourg vient de lui servir sur un plateau, à savoir un magnifique exemple d’impuissance et d’outrance.

Autre exemple des moulinets du ministre: le Syndicat des Transports d’Ile de France, dirigé par le Président socialiste de la région, Jean-Paul Huchon, a attribué sa relation client à une entreprise disposant d’un centre d’appels au Maroc, menaçant 80 emplois de délocalisation. Montebourg se dit: voilà qui n’est pas aussi compliqué que PSA. Huchon, mon allié, ne pourra que s’incliner. Manque de chance pour le ministre, il y un détail. Oh, juste un tout petit détail pour un si grand ministre, le code des marchés publics. Qui a été scrupuleusement respecté, comme le fait vertement savoir Huchon, piqué au vif d’être ainsi démasqué comme un vulgaire délocalisateur. Montebourg, une fois de plus impuissant, vitupère maintenant le code des marchés publics. Il a raison, les codes répondent rarement aux invectives, contrairement aux PDG d’entreprise et aux présidents de région.

Il y a chez JusMurmurandi un vieux fond de cynisme, surtout concernant un homme, François Hollande, qui se professe disciple d’un autre Président lui aussi prénommé François. Voir Montebourg se carboniser aussi vite, car le quotidien Libération, qu’on ne saurait taxer de dérive droitière, n’a pas hésité à titrer « A quoi sert Arnaud Montebourg? », pousse à se poser la question: et si Hollande l’avait fait exprès? Nommer Montebourg à un contre-emploi délibéré, où il se ridiculise à grande vitesse, pour mieux se débarrasser du trublion qui avait osé dire en 2007, au service de Ségolène Royal, que « le problème de la candidate, c’est son compagnon! »?

Non, une telle manœuvre, si florentine et si exquise, ne saurait être le fait d’un Président normal d’une République exemplaire, n’est-ce pas?

2 commentaires

  1. Complètement d’ accord avec vous je suis, cher Jus !
    Malheureusement y’a pas que Montebourg …
    Et il va falloir 5 ans pour qu’ils se carbonisent
    chacun leur tour !
    Dans quel état seront nous alors saperlotte ?
    Carbonisés, nous aussi :(
    Y’a qu’ un JMLP en moins mou, en bien plus autoritaire qui nous sortira de l’ ornière, mais est-il né celui là ?
    Plus ça va , plus je me RonPaulise … !

    Commentaire by jerome — 29 juillet 2012 #

  2. pendant le dernier quinquennat, on n’avait pas un ministère du redressement productif mais un ministre de la relance (tenue par Devedjan)… Jusmurandi en fin commentateur de la vie politique, n’a jamais écrit un seul article sur l’action de ce ministre… alors au moins, Montebourg, même si il brasse de l’air, médiatise certaines causes et mets les mains dans le cambouis.

    Finalement, vaut mieux ne rien foutre comme Devedjan… enfin, il avait été nommé pour que prince Jean puisse prendre sa place dans tout le 92, on ne comptait pas trop sur lui, finalement.

    Commentaire by Zigo — 1 août 2012 #

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