Les Cons-pétitifs

octobre 16, 2012 on 9:18 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, Elections présidentielles 2012, Europe, France, Incongruités, International, La Cour des Mécomptes, Moi, Président, Poil à gratter | Commentaires fermés

La France se vide de son tissu industriel. Tout le monde le voit, tout le monde s’en désole. Un ministre a été nommé pour s’attacher au Redressement Productif. Notre problème, ce n’est pas d’abord la concurrence de la Chine et des usines délocalisées, c’est notre perte de parts de marché en Union Européenne. De même, si l’économie allemande connaît un quasi-plein emploi au moment où celles de toute l’Europe du Sud connaissent des records de chômage, c’est parce que nos emplois filent en Allemagne. Les Allemands fabriquent des voitures en Allemagne, y compris des petits modèles, quand nous n’en sommes plus  capables. Ce n’est qu’un exemple, mais ô combien révélateur. Accessoirement le Japon, lui aussi pays à coût élevé, fabrique encore ses voitures, même les petits modèles, ce qui montre que le problème, ce n’est pas l’Allemagne, c’est la France.

Tout ceci porte un nom: la compétitivité, c’est-à-dire la capacité de développer une offre attrayante pour les clients tout en étant rémunératrice pour les fabricants. Un chiffre simple en explique une bonne partie. En l’an 2000, le coût du travail en France est 15% moins cher qu’en Allemagne, et en 2012, il est 10% plus cher.

Avant l’euro, cela se réglait par une dévaluation, et la France en a connu de nombreuses par rapport à l’Allemagne. Notamment 3 en 3 ans quand Mitterrand en 1981 a voulu mettre en oeuvre une « autre logique ». Une dévaluation, c’est un renchérissement immédiat et massif des importations, donc une forte perte de pouvoir d’achat intérieur, et une hausse de compétitivité des exportations. L’idée étant que le gain de parts de marché à l’exportation finit par compenser et au-delà l’effet de l’appauvrissement intérieur.

Avec l’euro, on ne peut plus dévaluer, donc plus de baguette magique pour rétablir les comptes d’un seul coup, comme les Grecs le savent maintenant, qui en sont à leur 6e année consécutive de récession forte.

Nicolas Sarkozy l’avait compris, qui avait inscrit à son programme une forte hausse de la TVA pour baisser le coût du travail, tant côté patronal que salarial. Baisse de coût du travail qui entraînerait une hausse de la compétitivité. Cette idée a été reprise par certains socialistes, mais il ne pouvait être question de copier l’infâme ex-Président, donc ils avaient imaginé le faire par le biais d’une hausse de la CSG. C’est déjà nettement moins intelligent, parce que la CSG ne frapperait que les revenus français, alors que la TVA frapperait aussi les importations, qui viendraient donc payer une partie de notre choc.

Effrayés à l’idée de ce qui pouvait passer pour le plus gros cadeau au patronat jamais fait, un chiffre de 40 milliards d’euros a fuité, mais sur 5 ans et non pas tout de suite. Ce qui veut dire 8 milliards par an. Comme l’année prochaine notre estimé Gouvernement va prélever sur les entreprises 10 milliards d’impôts supplémentaires, même ces 8 milliards n’auraient pas suffi à éviter que la compétitivité se dégrade au lieu d’être améliorée. C’est déjà l’inverse de ce qu’il faut faire.

Mais Jean-Marc Ayrault hier a enterré tout idée d’un choc de compétitivité, disant que ce n’est pas le coût du travail qui est responsable de notre déficit face à l’Allemagne, mais le fait que les Allemands vendent des produits plus « haut-de-gamme » que nous, et que c’est cela qu’il faut corriger. Donc il faut aider la production française à monter en gamme, à coup de programmes de recherche et de formation.

Il n’a pas tort, il faut le faire. Mais a-t-il seulement la moindre idée de combien de temps il faut pour repositionner à la hausse une gamme de produits sur le marché mondial? Les imaginer, les concevoir, les produire, les vendre à un prix plus élevé à des consommateurs qui, soyons clairs ne sont pas, sauf exceptions, à payer aussi cher un produit « made in France » qu’un produit « made in Germany », cela prend dans le meilleur des cas des années, et entre temps que ce passe-t-il?

Entre temps, Hollande et Ayrault font semblant de traiter le problème, sans pour autant affronter ni la réalité ni l’aile gauche de leur parti qui ne les suivrait pas et casserait en quelques semaines la majorité parlementaire. Bien joué!

Et entre temps, nous aurons définitivement abandonné tout arrimage à l’Allemagne, pour rejoindre les rangs de l’Europe du Sud, à laquelle, par leur refus de l’effort et leur priorité donnée à la gratification immédiate, assurée par l’Etat et garantie, les Français veulent manifestement appartenir.

Il vaudrait mieux ne pas demander aux Espagnols, aux Italiens ou surtout aux Grecs où les a menés ce modèle. Cela ferait de la peine à ceux qui pensent que nous n’avons pas de problème de compétitivité. A ceux qui croient que nous sommes compétitifs alors que nous ne sommes que cons-pétitifs.

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