Pas de mémoire, donc pas de casse…

novembre 27, 2012 on 7:54 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, France, Incongruités, Insolite, Poil à gratter | Commentaires fermés

Sont-ils devenus fous? Cette question, bien sûr, concerne François Fillon et Jean-François Copé, qui s’étripent sur la place publique. Pourtant, les conséquences de ce jeu de massacre sont, elles aussi étalées dans toute la presse: militants au mieux perdus, au pire écoeurés, sympathisants dégoûtés, les deux adversaires, déconsidérés, la gauche ravie.

Alors, sont-ils devenus fous? Non, simplement, ils ont compris ce que le grand public, lui, n’a pas encore intégré. Dans notre monde, où l’information est instantanée, où les media Internet diffusent à une vitesse sans précédent, tout devient très vite obsolète, puis est noyé dans le flot de ce que l’Histoire a englouti sans en garder la trace, sauf pour quelques historiens que personne ne lit, en encore moins ne suit.

Qui se souvenait en 1981 que François Mitterrand avait organisé contre lui-même un faux attentat dit de l’Observatoire, un acte déshonorant, donc théoriquement disqualifiant? Qui se souvenait en 1995 que Chirac avait lancé contre une bonne partie de sa propre famille politique, la droite, un brûlot appelé « appel de Cochin », et que le RPR de 1981 avait fait voter pas très discrètement pour François Mitterrand pour faire battre Giscard? Qui, plus récemment, se souvenait de la nullité de la carrière politique de François Hollande, de son triste passage à al tête du PS pendant 12 ans, ou du fait qu’au PS Martine Aubry soit devenue premier secrétaire alors que les électeurs avaient choisi Ségolène Royal?

Y a-t-il un seul exemple d’une personnalité politique française qui se soit trouvée empêchée de poursuivre sa carrière parce que son passé était un boulet irrémédiable? Oublie-t-on que tel homme politique qui donne aujourd’hui des leçons de morale à François Fillon sur les plateaux de télévision a fait de la prison pour avoir quelque peu confondu les finances de sa ville avec ses finances privées? Et que ses électeurs lui ont pardonné dès la fin de sa peine, lu permettant de passer rapidement de la nourriture de l’Administration Pénitentiaire à l’or des palais de la République? Et ce n’est pas un cas unique, bien au contraire. Mais c’est une singularité française, où ni l’échec ni le déshonneur ne sont disqualifiants, contrairement à l’usage dans de nombreux autres pays.

Donc Jean-François Copé et François Fillon ne sont pas devenus fous. Ils savent simplement ce que nous devrions tous savoir. Les électeurs n’ont pas de mémoire. D’ailleurs, qui peut imaginer qu’en 2017 un électeur de droite, qui a subi (le mot est faible) Hollande pendant 5 ans refuse de voter sur le candidat de droite au motif qu’il se serait livré 5 ans avant à un épisode puéril de bac à sable? La perspective de ratatiner Hollande et de se débarrasser de ce Président qui élève l’inconsistance au niveau d’un art majeur ne vaut-elle pas le pardon de Copé si l’on est filloniste, ou de Fillon si l’on est copéiste?

C’est si évident qu’on peut même se demander s’ils ne se sont pas dit, consciemment ou non, que, comme trois des quatre derniers Présidents français avaient survécu à de pareils épisodes lamentables, c’était probablement une bonne idée de faire de même, pour finir comme eux, à l’Elysée?

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