Le PS joue à l’UMP qui joue au PS…

décembre 3, 2012 on 6:20 | In Best of, Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, La Cour des Mécomptes, Moi, Président, Poil à gratter | Commentaires fermés

Il faut croire que JusMurmurandi se fait entendre jusqu’au sommet de l’Etat. La semaine dernière, nous mettions en avant à quel point la lutte fratricide pour la présidence de l’UMP ressemblait à s’y méprendre à ce que le PS avait mis en scène entre Martine Aubry et Ségolène Royal. On connait la suite: fort de cet étripage public, puis d’une lutte à mort pour les primaires, le PS gagne les élections. Donc, pour re-gagner à leur tour, l’UMP décide de reprendre à leur compte la méthode gagnante du PS, avec François Fillon et Jean-François Copé en vedettes.

Mais voilà qui est plus drôle: le PS à son tour ne veut pas risquer de se faire battre à son propre jeu. Ils constatent à quel point le psychodrame UMP vaut à la droite un temps et une audience considérables dans les media, et ils décident de monter leur propre show de télé-réalité. Ils le mettent en scène dans une vallée où se meurt une industrie vieille de plus de 100 ans, la sidérurgie lorraine.

Leur casting est excellent: la flamboyant ministre Montebourg, belle et grande gueule, qui combine son rôle dans ce drame industriel et humain avec un drame personnel, puisqu’il vient de se faire larguer par la belle et sulfureuse Audrey Pulvar pour cause de conflit entre amour et devoir. C’est beau comme du Corneille. En face,le rôle du méchant est tenu à la perfection par Lakshmi Mittal, qui ne manque pas de trahir toutes les promesses qu’il a faites et toutes les garanties qu’il a données quand cela lui permet d’augmenter sa colossale fortune personnelle. Car lui aussi pimente ce qui ne serait qu’une situation professionnelle par un côté personnel qui ravit les spectateurs, avec mariage de sa fille au château de Versailles privatisé pour l’occasion, et son fils à la direction financière de son propre groupe.

Montebourg, comme il convient pour le rôle du jeune premier en héros, propose de faire prévaloir la vertu populaire sur la crapulerie rapace venue d’ailleurs (Mittal est indien), qui n’a pu mettre la main sur le fleuron de l’acier européen qu’avec l’aide de François Pinault, autre milliardaire, mais français, meilleur ami du Chef de l’Etat de l’époque, et qui s’est porté garant de la parfaite honorabilité de son collègue en milliards. Pour cela, il veut nationaliser le site de Florange, pour le revendre à un autre sidérurgiste, prêt, lui à apporter de l’argent pour faire revivre la vieille usine. Mais mystère sur le nom de sauveur en forme de deus ex machina. Même la presse, qui publie tous les détails de chaque enquête policière et audience judiciaire croustillante, ne trouve pas qui est le Sauveur Mystère de Florange.

Sauf que le Gouvernement ne suit pas Montebourg, trahi par ses amis après avoir été rejeté par sa compagne. Ce n’est plus du Corneille, mais une tragédie grecque! Et, comme il convient à un jeune héros, celui-ci s’apprête à se suicider pour ne pas survivre à son échec et au déshonneur qui s’ensuit. Banzai!

Mais cela mettrait fin au feuilleton, donc les scénaristes on trouvé le moyen d’une sortie honorable pour tous. Le Gouvernement annonce un accord avec Mittal qui s’engage à investir 180 millions à Florange sur 5 ans. C’est ridicule pour plusieurs raisons. D’abord parce que Mittal ne tient pas ses promesses. Il avait, par exemple, promis d’investir 420 millions à Florange pour avoir de droit de fermer Gandrange. Lequel Gandrange avait été mis e avant comme site exemplaire du savoir-faire de Mittal pour avoir le droit d’acheter Arcelor, donc, Florange. Et de 420 millions bernique! En plus, 180 millions, c’est le montant dont Florange a de toute façon besoin pour être entretenu et en état de fonctionner. Donc de concessions de la part de Mittal, bernique! Et que 5 ans, c’est la durée d’un mandat, tant présidentiel que législatif, c’est donc la certitude qu’on a le temps de gouverner sans être contraint de constater que Mittal n’a pas tenu ses promesses.

Sauf que ceci sauve les apparences (et les apparences seulement) tant pour Mittal que pour le Gouvernement, mais pas pour Montebourg. Va-t-il falloir qu’il se suicide en direct? Non, car les scénaristes ont encore besoin de lui, et c’est là que ce feuilleton à l’antique se met à ressembler au spectacle de la chaîne concurrente, à savoir l’UMP.

Montebourg va démissionner, dégoûté d’avoir été lâché de toutes parts. Mais c’est le Chef de l’Etat lui-même, François Hollande, qui le supplie de n’en rien faire, lui jure sa confiance et la lui manifeste précipitamment et publiquement. Montebourg, flatté, requinqué que Hollande au moins tienne à lui, accepte de « rester à son poste de combat ».

Ce qui, évidemment ulcère Jean-Marc Ayrault, chef nominal dudit Montebourg, et qui a refusé la solution de la nationalisation et du Sauveur aux 400millions d’euros. Et, comme si cela ne suffisait pas, c’est Montebourg lui-même qui en fait l’annonce dans Libération, avec cette phrase aussi provocante qu’insultante: « Je lui ai dit que si rien n’était fait avant ce soir (samedi, ndlr) pour réparer les dégâts sur cette question de nationalisation, je ne resterai pas au gouvernement, et la dislocation va commencer. Il m’a demandé de n’en rien faire ».

On imagine à quel point Ayrault a du apprécier. Il pourra toujours en parler à Fillon, qui a tenu le même poste et avalé les mêmes couleuvres pendant 5 ans.

Et pendant qu’on parle de ce « beau drame », les audiences montent, celles de l’UMP en face baissent, et la fin de l’épisode nous assure qu’il y aura d’autres épisodes plus sensationnels les uns que les autres….

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