Ordonnances, vous avez dit ordonnances?

mars 15, 2013 on 9:16 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, Elections présidentielles 2012, Europe, France, Incongruités, Insolite, Moi, Président, Poil à gratter | Commentaires fermés

François Hollande a fait savoir qu’il veut recourir aux ordonnances, qui lui permettent de faire passer de nouvelles lois sans avoir besoin de les faire voter au Parlement. Le recours aux ordonnances, très rare sous la Ve République, qui est quand même après tout censé avoir un Parlement et en faire procéder nos lois, est une surprise, pour ne pas dire plus.

Car le moins qu’on puisse dire est que le tandem Hollande-Ayrault n’a eu aucune loi bloquée au Parlement. Certes, sur le projet de « mariage pour tous », la droite a déposé 5000 amendements, ce qui a fait hurler la gauche. Mais laquelle gauche venait d’oublier quand elle-même avait déposé plus de 100.000 amendements contre un projet de loi de la droite.

Sauf qu’un certain nombre de projets ont été retoqués par le Sénat, par une coalition d’opportunité entre la droite en la gauche de la gauche, notamment le Front de Gauche de Mélenchon, les Verts et les communistes.

JusMurmurandi comprend bien l’inconfort et le ridicule que Hollande et Ayrault doivent ressentir à voir leurs projets rejetés à répétition au Sénat par un parti de leurs alliés au Gouvernement (les Verts), et par les élus censément du même bord politique qu’eux (la gauche). Mais de là à gouverner par ordonnances, il y a un grand pas, compte tenu que, justement, l’opposition du Sénat ne compte pas puisqu’il suffit d’un second vote de l’Assemblée pour passer outre.

L’une des autres vertus des ordonnances, c’est de donner au Gouvernement de faire vite. Est-ce plus urgent aujourd’hui que quand il est arrivé en mai dernier? Seulement si l’on considère que les mesures prises depuis lors ont fait se dégrader la situation…

Mais les ordonnances de Hollande ne seraient-elles pas un moyen pour celui-ci de faire passer des textes que son Parlement refuserait de voter? Par exemple des textes de rigueur et d’austérité économiques, qu’il va bien falloir adopter, alors même que Moi Président jurait -mais c’était avant d’être élu- que les efforts de Sarkozy étaient de scandaleux cadeaux pour les riches aux frais des pauvres.

En fait, il est à craindre que les ordonnances de Hollande ne soient, comme si souvent chez lui, qu’un calcul politique destiné avant tout à éviter une confrontation ou une décision tranchée. Il a un problème insoluble avec la nécessaire réforme des retraites. Après avoir tonné que celle de Sarkozy et Fillon était scandaleusement dure, et non nécessaire, et après avoir rétabli la retraite à 60 ans pour certaines catégories de Français, il s’apprête à devoir faire plus dur encore. Ce qui sera du pain bénit -et moralement justifié- pour une droite qui lui rendrait la monnaie de sa pièce, et une couleuvre impossible à avaler pour une gauche de la gauche qui ne l’a certes pas élu pour faire plus dur que Sarkozy.

Alors que fait Hollande? Il se fait voter une loi autorisant des ordonnances. Comme ça, plus de débat au Parlement, plus de longue liste d’amendements, plus besoin d’explications, de contorsions pour expliquer que l’on fait ce que l’on a combattu…

Sur ce point, deux exemples montrent l’inconstance et l’opportunisme des socialistes:

- sur les ordonnances, Mitterrand dénonçait « le pouvoir personnel, le coup d’Etat permanent! ». Oui, mais c’étaient les ordonnances prises par de Gaulle, donc scélérates, alors que celles prises par la gauche sont justes, normales et morales.

- sur les ordonnances toujours, Hollande, alors patron du PS, dénonçait « une méthode détestable » qui revenait à « flouer le Parlement » et à « renoncer à la confrontation démocratique et au débat serein ». Jean-Marc Ayrault, DSK et Arnaud Montebourg faisaient assaut d’éloquence et d’emphase contre la méthode des ordonnances voulues par Villepin. Oui, mais c’étaient encore des ordonnances de droite. Combien de fois faudra-t-il vous dire que cela n’a rien à voir, mais alors rien du tout, avec l’excellentissime méthode qui consiste à prendre des ordonnances de gauche?

Sur le budget européen, cette fois-ci vous ne pourrez pas m’opposer que, quand c’est la gauche, ça change tout, donc qu’il n’y a pas opportunisme, mais vertu. Parce que c’est Harlem Désir, patron du PS et député européen, qui a fait savoir qu’il s’était opposé au vote du budget de l’Union Européenne. Budget négocié et salué comme un succès par… François Hollande…

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