Marianne refait la démocratie

mars 6, 2008 on 3:50 | In France, Insolite | 6 Comments

Rien ne paraît plus important à Jusmurmurandi que la démocratie ; ou plutôt, si, une chose paraît plus importante à Jusmurmurandi que la démocratie : faire savoir publiquement qu’il aime la démocratie. C’est pourquoi Jusmurmurandi n’apprécie rien tant que de laisser traîner un exemplaire de Marianne sur une table basse, négligemment froissé, pour indiquer qu’il a lu le tout aussi républicain que démocrate magazine et, les jours où l’indignation se trouve être de mise, il le froisse davantage pour suggérer qu’il s’est agacé des révélations et analyses fracassantes qu’il y a lues.

 

Cette semaine, Jusmurmurandi s’est senti serein, très serein, presque autant que Dominique de Villepin. Le peuple qui, par une impardonnable faute de goût, avait élu Sarkozy, commençait à le regretter. Le déni de démocratie que constitua l’élection de 2007 – déni puisque le candidat élu n’était pas celui défendu par les journalistes démocrates de Marianne – ni même de Libération – était en train de se résorber, grâce aux vertueuses et démocrates résolutions de Marianne ; contre ce procédé absurde voulant que la voix d’un électeur de Sarkozy pèse autant que celle de Jean-François Kahn alors que le bon goût démocratique voudrait que celle de celui-ci comptât au centuple, Marianne rassura tous les vrais démocrates en commandant un sondage CSA consistant à « refaire la présidentielle » et où il appert que Royal l’emporterait à 51 % au second tour contre Sarkozy. Jusmurmurandi se réjouit que, sous couvert de « refaire l’élection », Marianne cherche bien plutôt à se faire la démocratie…

 

798972-958576.jpg

 

Jusmurmurandi admire également le procédé retenu, suggérant que l’élection de mai 2007 fut un « accident », le produit d’un « dérèglement des consciences » comme aime à le répéter Badiou, et que ce vote réel du peuple fut bien peu de choses à côté de ce sondage donnant « Sarkozy perdant », seul résultat que tout vrai démocrate se doit de tolérer, car l’homme démocratique est précisément tolérant, (Jusmurmurandi ne serait toutefois pas étonné que, dans une ou deux semaines, Marianne croie bon de titrer sa Une sur la dictature des sondages…), CQFD.

                                                           

Sur un nuage – démocratique – donc, Jusmurmurandi, toujours plus soucieux de bien et de démocratie, décida ensuite de consulter Gérard Miller, qui s’était fendu d’une longue analyse dans un hebdomadaire honteusement sarkozyste. Après que le brillant psychanalyste pour émissions de service public en grève eut assuré que le « casse-toi pauvre con » s’adressait en réalité « contre nous tous », le chroniqueur de Ruquier poursuivit en ces termes : « La question se pose donc sérieusement : Sarkozy ne devrait-il pas démissionner ? Non pas pour se retirer comme Lionel Jospin sur l’Aventin, mais au contraire pour se faire réélire. »[1] Jusmurmurandi rend ici hommage à ce grand démocrate qu’est Gérard Miller et qui, à l’instar de ses compagnons tout aussi démocrates que lui, n’a toujours pas considéré comme légitime l’élection du Président de la République, résultat d’une indéniable faute esthétique du peuple ; non légitime, puisque résultant d’une masse électorale imbécile et bernée par le populisme. Dans ces conditions, il serait bon que l’élection se refasse, afin que les élites de Marianne et de Ruquier éclairent davantage l’infortuné corps électoral.

 

Hélas, Jusmurmurandi s’inquiète : alors qu’il est chaque jour plus manifeste que l’élection du Président ne fut pas démocratique puisque contraire aux souhaits de Marianne, du service public, et de Libération, il est à craindre que ce président vulgaire, beauf et si semblable au peuple, s’accroche au pouvoir et refuse d’abandonner son mandat, invoquant, par un évident populisme, la force du suffrage universel lui ayant conféré la présidence et une majorité parlementaire. Jusmurmurandi y verra là l’indéniable – et définitive – preuve de la « dérive monarchique » de cet homme dangereux.



[1] Le Point, jeudi 28 février 2008, N° 1850, p. 39

6 commentaires

  1. « On refait le match » … Cette simple phrase se suffit à elle-même ! Il n’y a pas que le sens, il y a les mots. Elle me rappelle le choc d’Ulrich dans l’Homme sans qualités lisant « quelque part » : «un cheval de course génial».

    Commentaire by Jean-Baptiste Bourgoin — 6 mars 2008 #

  2. Héhé, mon cher Jean-Baptiste, tu me donnes envie de lire rapidement cet ouvrage dont tant de gens me disent tant de bien.

    Commentaire by jm4 — 7 mars 2008 #

  3. Mais c’est bien sûr, cette façon inimitable de parler de Marianne, cela ne pouvait être que vous cher Gai lulu !

    Commentaire by Odanel — 7 mars 2008 #

  4. Odanel, vous ici, joie !
    Oui, c’est bien moi, j’avoue.

    Avez-vous succombé à facebook ?

    Commentaire by jm4 — 8 mars 2008 #

  5. Non, pas encore, mais je vais m’inscrire prochainement, j’attends juste la version française qui est sensée sortir d’ici quelques jours, au plus tard à la fin du mois.

    J’avais disparu de la circulation, mais me voici de retour avec une nouvelle adresse mail et une nouvelle adresse de blog.

    Bonne continuation sur Jus Murmurandi, ou ailleurs bien entendu… en attendant de pouvoir vous relire chez moi aussi, bien sûr.

    Commentaire by Odanel — 8 mars 2008 #

  6. Heureux de vous voir de retour ; je vais de ce pas voir votre (nouveau ?) blog.

    Merci pour votre commentaire et à très bientôt.

    jm4 (ex GL)

    Commentaire by jm4 — 8 mars 2008 #

Désolé, les commentaires sont fermés pour le moment.