Trop de cash, cher Mozart (de la finance)?

mars 16, 2008 on 1:21 | In Economie, International | 1 Comment

« Trop de notes, cher Mozart! » On se souvient du jugement de l’empereur Joseph II en entendant pour la première fois l’opéra de Mozart, « l’enlèvement au sérail ». Comme s’il pouvait jamais y avoir trop de notes dans un chef d’œuvre! Evidemment ce commentaire suffit à faire passer Joseph II dans l’Histoire pour un homme obtus, pour ne pas dire pour un crétin.

Quel rapport avec la crise financière qui agite aujourd’hui notre monde? Un paradoxe donne un indice. Traditionnellement, quand une récession s’annonce ou menace, les prix des matière premières baissent, anticipant sur la moindre demande à venir dans des économies qui ralentissent. Or, aujourd’hui, alors que l’économie américaine donne de visibles signes de ralentissement, les prix des matières premières s’envolent quand même, que ce soient ceux de l’énergie, des métaux, ou des céréales.

Il peut y avoir plusieurs causes à cette étrange dissociation. L’économie américaine ne serait-elle plus le moteur de l’économie mondiale, et son ralentissement n’aurait-elle aucun impact planétaire? Ce serait naïf de le croire. Les Etats-Unis sont non seulement la première économie mondiale, et, à ce titre, un gigantesque consommateur notamment d’énergie, mais ils sont aussi le premier importateur de presque tout et de presque partout. Si le géant américain tousse, les autres pays s’enrhument, dit l’adage, et, en ces temps de déficit commercial abyssal des Etats-Unis, c’est plus vrai que jamais.

L’analyse montre que les prix des matières premières est certes poussé par la demande mondiale, et notamment la forte croissance des pays émergeants, mais que les pics atteints sont surtout le fait des fonds spéculatifs. Et là, JusMurmurandi comprend mieux. Soit un fonds américain qui a levé des milliards de dollars en promettant aux souscripteurs de forts rendements. Il ne peut placer ces fonds en actions: elles ont perdu plus de 20% en 6 mois. Les obligations ne sont pas attrayantes: les taux d’intérêts sont bas et orientés à la baisse aux USA. Garder ces montants en cash placé sur la marché monétaire n’est certes pas ce pourquoi ces fonds ont été créés et sont rémunérés. Les placements immobiliers « à risque » comme les subprimes ont été lucratifs, mais sont aujourd’hui catastrophiques. Alors, où placer cet argent, ces montagnes d’argent? Il y aurait bien les marchés de l’art, et certes, les prix atteignent des sommets, mais ces marchés sont beaucoup trop limités pour absorber des placements de plusieurs centaines de milliards de dollars. Alors reste une solution et une seule, les matières premières. Le pétrole, les minerais, l’or, le blé…

D’où viennent ces fonds? Ce sont la part non distribuée et non investie des gigantesques profits de entreprises, l’épargne de centaines de millions de gens qui veulent border leur avenir, les excédents de pays disposant de ressources énergétiques aussi énormes que leur population est limitée, les montants émis par les planches à billets des déficits publics accumulés dans presque tous les grands pays. Bref, c’est nous tous.

Evidemment, tout ce cash qui se « promène » dans les matières premières a un effet néfaste sur l’économie « matérielle », c’est-à-dire non financière, comme il a eu pour effet de propulser au rang d’acheteurs immobiliers des gens qui n’en avaient pas les moyens et qui se retrouvent aujourd’hui ruinés. Comme il oblige les pauvres à payer plus cher leur alimentation, ou plonge vers la récession des économies déjà fragilisées par les pertes immobilières.

Laquelle « gueule de bois » de cette crise a fait cette semaine une victime de marque, un fonds du groupe américain Carlyle, qui a été mis en faillite, et il sera suivi de nombreux autres. Le processus, en faisant partir en fumée des centaines de milliards de dollars, va contribuer à éponger cette liquidité excessive qui pousse notre monde de bulle en bulle.

JusMurmurandi ne sait pas ce qu’il faut souhaiter: que ce retour sur terre de l’économie financière soit sévère, ce qui l’assainirait pour un temps, mais au prix d’une recéssion elle aussi sévère, ou qu’elle soit douce, mais comme l’est un anti-dépresseur…

Un commentaire

  1. Nice writing style. I will come back to read more posts from you.

    Susan Kishner

    Commentaire by Susan Kishner — 16 mars 2008 #

Désolé, les commentaires sont fermés pour le moment.