Pas de fumée, pas de feu?

avril 3, 2008 on 1:18 | In Economie, Incongruités | Commentaires fermés

L’interdiction de fumer dans les cafés et restaurant à partir du 1e janvier 2008 était censée faire partir en fumée l’activité de cette profession, à en croire leurs lamentations préventives et leurs appels à un report de la mise en application de la loi.

Depuis, qu’en est-il, 3 mois après la date fatidique?

Le chœur des pleureuses commence par déplorer des baisses de chiffre d’affaires de 20% à 30% en janvier. En un mot, la profession est sinistrée, et, suivant l’usage français, se tourne vers l’Etat pour obtenir des subsides. Et elle met en avant le rôle vital des cafés ruraux, qui seraient le dernier maillon social de moult petits villages. Lesquels cafés seraient les plus touchés.

D’autres chiffres circulent, comme une baisse de 20% en février et mars annoncée par l’Union des Métiers et des Industries de l’Hotellerie pour les cafés, les discothèques et les établissements frontaliers.

Maintenant un étude sérieuse permet à Serge Vendemini, professeur de gestion à Paris II Dauphine d’affirmer que « l’impact du décret est faible et contrasté ». Notamment, quasiment pas de baisse de chiffre d’affaires du tout à Paris, et un impact avant tout pour les établissements qui n’ont rien fait pour s’adapter. Et si, dans l’ensemble, il constate un baisse de 9%, 5% de ceux-ci sont attribuables au contexte économique et pas du tout au changement règlementaire.

Donc la profession a commencé par crier au charron de façon à émouvoir l’opinion publique et à recevoir sa part de la manne que tout bon Français croit qu’il est de bonne guerre d’exiger de l’Etat.

Et aujourd’hui, même la profession reconnait pudiquement par la voix de Bernard Cartier, président de l’institut du développement des cafés et des cafés-brasseries, que « les chiffres sont moins catastrophiques que prévu ». Dont acte.

Puisque l’Etat a cédé à la pression et accordé à la profession sinistrée par anticipation des avantages, les cafetiers envisagent-ils de les restituer?

La même question pourrait être posée aux agriculteurs qui, après avoir vécu plus de 40 ans des larges subventions de l’Union Européenne, bénéficient aujourd’hui de prix mondiaux des produits agricoles grassement rémunérateurs pour le blé et le lait. Lesquels agriculteurs ont aussi toujours mis en avant les petits exploitants en difficulté pour masquer les intérêts de grandes exploitations très compétitives. Envisagent-ils, eux aussi, de restituer en années de vaches grasses à la collectivité nationale ce dont ils ont bénéficié en années de vaches maigres?

Voilà qui pourrait moraliser la vie des affaires tout en améliorant les finances de l’Etat: faire que se plaindre ne soit plus un jeu à sens unique, pile, je gagne, face, je ne perds pas. Si les acteurs économiques et sociaux devenaient responsables des subsides encaissées indument, peut-être deviendraient-ils aussi plus responsables de leurs propos et de leurs actes.

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