JusMurmurandi se mobilise pour les Ch’tibêtains…

avril 26, 2008 on 3:49 | In France | 12 Comments

JusMurmurandi tient à s’associer à la célébration de ce nouveau peuple glorieux, de cette nouvelle magnificence française, de cette réjouissante incarnation des Valeurs, les Ch’Tis. Le film de Dany Boon associé aux vertueuses réactions post-banderoles du PSG ont fait des Ch’Tis un des peuples les plus estimés de notre temps. « Bergues, nouvelle capitale du monde », écrivait récemment le Nouvel Observateur dans un dossier consacré à la « passion Ch’Tis » ; on y visite la Poste, et le panneau Bergues à l’entrée de la ville, victime de son succès mondial, a déjà été dérobé trois fois depuis la déferlante du Bien. Le Président de la République, que l’on disait jadis si beauf et inculte, s’est offert une projection privée du film dans ses appartements élyséens, en compagnie de quelques invités triés sur le volet ; la dimension culturelle du Président s’est alors soudainement et magistralement étoffée. RTL, radio culturelle s’il en est, a consacré une journée entière aux Ch’Tis, faisant appeler les auditeurs nordiques pour leur demander de traduire en Ch’ti les informations distillées par les journalistes. Arrivés en cours de route, des auditeurs non ch’tis, et visiblement non informés de l’hommage radiophonique, s’indignèrent que l’on fît passer aux yeux et surtout aux oreilles de la France entière ces pauvres Ch’Tis pour des demeurés en leur demandant de parler en patois. L’incident eût été anecdotique s’il ne se fût répété une bonne centaine de fois. « Il faut changer les mentalités », eût pu commenter Clémentine Autain.

 

Puis il y eut le drame, l’indicible, l’horreur, l’inexprimable, l’abominable : la banderole du PSG. Deux semaines d’indignation nationale, les mémoires collectives marquées à vie. Un Hiroshima en miniature, un génocide verbal, l’horreur à l’état pur : pudiques, les caméras pourtant voyeuristes de la télévision, avaient détourné le regard : les supporters du PSG avaient introduit la dérision en plein exercice d’adoration ; ils avaient ri là où l’on se devait de rendre hommage ; ils avaient introduit la moquerie quand il eût fallu s’incliner. Du sacré, on ne doit pas rire, nous avait pourtant appris Jorge dans Le nom de la rose ; rire c’est ridiculiser le divin, l’intouchable ; comment peut-on ? Comment a-t-on pu ?

Le maire de Lens, en larmes, Guy Lecourt, était reçu par le Président de la République, tandis que ce dernier, ainsi que Rachida Dati et Bernard Laporte acceptaient d’être cités au Tribunal dans cette affaire déjà judiciaire. Frédéric Thiriez, président de la Ligue, visiblement impressionné par ce drame sans précédent, rappelait que si nous étions tous des Juifs allemands en 68, « aujourd’hui, nous sommes tous des Ch’tis. » Le sens de la mesure, toujours la mesure…

 

Est-ce la première fois, se demande avec un esprit hélas bien peu citoyen JusMurmurandi, qu’un groupe de supporters déploie une banderole insultante ? Bien évidemment, non. Si le PSG se déplace à Marseille sur fond de banderoles où d’élégantes remarques du style « Parisiens enc… » ont été délicatement rédigées – parfois même sans fautes d’accord ! – on imagine pourtant mal le maire de Paris, Bertrand, lever le petit doigt pour faire part de son indignation, de son écœurement, de sa tristesse, de son dégoût, de sa déception, rayez la mention inutile. De même, si Jean-Marc Furlan, entraîneur de Strasbourg dont on attend peut-être un tout petit plus que d’un supporter aviné du PSG, déclare au sujet de Fabio Grosso : « l’Italien n’a pas renié ses gènes ou sa race. Il sait faire du cinéma. », nul ne saura s’en émouvoir : ce ne sont que des Italiens. La race italienne ? M’en parlez pas ! Une sous-race encore capable de voter Berlusconi, de traiter les femmes comme on le faisait au XXè siècle, de battre la France en finale de la coupe du monde. Non, nul racisme là-dedans, nul racisme dans cette phrase regrettant qu’un homme n’ait pas encore « renié ses gênes ou sa race », juste un petit moment de dépit, bien excusable…

 

Qu’est-ce qui fait donc de cette banderole parisienne le summum de l’horreur, se demande alors JusMurmurandi, faussement naïf ? La différence, la vraie, c’est la nature des Ch’tis. Ce n’est pas un peuple comme un autre, ce ne sont pas de vulgaires italiens, ni même de misérables parisiens ; non, ce sont des Ch’tis ! Le peuple le plus gentil du monde. Gentil à en ridiculiser le rire franc et honnête du symbole de Banania, gentil à reléguer Drucker au rang de présentateur vénal.

Des Ch’tis qu’on vous dit ! Ce peuple extraordinaire, cette langue pittoresque, ce climat si particulier, cette économie si résolument hostile à la déferlante néo-libéralo-néo-capitalisto-néo-méchante. Non pas un peuple parmi d’autres, mais LE peuple, das Volk, le vrai, la France, l’authentique, l’unique. Oui, il faut le dire, si la banderole du PSG est si odieusement « raciste », c’est parce que le Ch’Ti relève d’une race à part, de la race supérieure, de celle qui chante Pierre Bachelet en chœur, de celle dont on peut dire qu’elle est « le meilleur public de France », « le meilleur supporter de foot du monde », « le peuple le plus gentil de l’univers ». ô combien indigne apparais-tu alors, méchant parisien, vilain snob à crâne rasé, épouvantable supporter d’un club que le courroux divin menace de relégation : comment as-tu osé te moquer de ce peuple à part, comment as-tu pu sombrer dans un tel racisme à l’égard de ces êtres supérieurs, infinitésimale particule négligeable complexée par ta relégation ? Alors va, misérable parisien, va avant que JusMurmurandi ne se sente pousser le prurit de la délation citoyenne, va avant que JusMurmurandi ne souhaite anéantir ton inadmissible liberté pour mieux laisser passer le cortège du Bien.

 

 

12 commentaires

  1. Sans commentaire, une trés profonde et sérieuses analyse de la follie de notre société influencée par les médias.

    Commentaire by S.G — 28 avril 2008 #

  2. Merci pour ce commentaire ; en effet, il est certain que la place médiatique a survalorisé un événement somme toute fort anodin.

    Commentaire by jm4 — 28 avril 2008 #

  3. Bonjour,

    Bravo pour ce post tout en ironie féroce! A la Bourse des valeurs, la Tolérance et le Respect de l’Autre sont certes en forte hausse, mais n’échappent pas au risque de bulle spéculative.
    En l’occurence, le décalage entre l

    Commentaire by Frédéric — 28 avril 2008 #

  4. En l’occurence, le décalage entre la banderole et les réactions (« c’est un crime! ») laisse pantois. Du triptyque :pédophiles, chômeurs, consanguins; seul le dernier terme recèle une dimension congénitale, et justement contredit le racisme soucieux d’éviter les mariages mixtes.
    Finalement, il s’agit d’une simple blague de mauvais goût. Si le mauvais goût peut être pénalement sanctionné, je cours porter plainte contre Ruquier, Bravo, Miller etc.
    Heureux de vous relire.

    Commentaire by Frédéric — 28 avril 2008 #

  5. Cette ironie sur les Ch’Ti est un peu facile car à ma connaissance, ce n’est la faute de personne, à part celle des parisiens s’ils ont, pseudos supporter d’un club de foot ou non, la réputation qu’ils ont dans le reste de la France, voir hors de nos frontières.
    A penser trop fort que Paris c’est la France on en arrive à ce genre de situation vu que Paris c’est beaucoup de choses mais une trés mauvaise représentation de la France.
    Débat sans fin exacerbé par des journaleux en mal de sensations.

    Commentaire by Un lecteur — 29 avril 2008 #

  6. Merci pour votre commentaire Frédéric ; je suis en tout point d’accord avec vous, il s’agit en effet essentiellement de « mauvais goût » comme vous dites et rien n’est plus absurde que de condamner pénalement le mauvais gout !

    A bientôt

    JM4

    Commentaire by jm4 — 29 avril 2008 #

  7. –> Un lecteur : Je ne suis pas tout à fait certain que ce soient les parisiens qui soient en cause. Si la folie ch’ti n’avait pas eu lieu, cette banderole n’aurait eu aucune incidence ; c’est un pur problème de contexte, d’exacerbation de la qualité d’une région qui a généré cela, et qui, du reste, a fait de cette banderole un événément alors qu’elle n’était qu’une anecdote.

    Commentaire by jm4 — 29 avril 2008 #

  8. Je suis d’accord avec le fond de votre analyse, c’est simplement la forme de cet article qui me déplait et cette ironie vis à vis des Ch’ti vs les pauvres parisiens qui, pour moi, récoltent, ce qu’ils sèment à longueur d’année.

    Commentaire by Un lecteur — 30 avril 2008 #

  9. Je hais les Ch’tis. Que va-t-il advenir de mon âme païenne ? Vais-je finir en Enfer ? Dieu JM4, venez-moi en aide, de grâce !

    Argh ! J’oublais ! Quelle horreur ! Je suis Ch’ti…

    Commentaire by Odanel — 3 mai 2008 #

  10. –> Un lecteur : moui, mais je n’ai pas l’impression de présenter les Parisiens comme des victimes dans l’histoire. Néanmoins, jm4 est, il faut le reconnaître, un supporter du PSG parfois un peu « engagé »…

    Commentaire by jm4 — 14 mai 2008 #

  11. Noooooon Odanel, vous ne finirez pas en enfer, je vous assure, les Ch’Ti vont tous au Paradis, au Paradis des Ch’Tis,à Bergues ! ;-)

    Commentaire by jm4 — 14 mai 2008 #

  12. le probléme c’est qu ‘à bergues personne n’a jamais parlé le chti c’est aussi inconnu que le papou dans notre bonne ville de bergues. Bergues c ‘est en Flandre et la langue qu’on y parle c’est le flamand Pauvre minorité linguistique de 5oooo locuteurs à l heure actuelle dont personne ne parle jamais !!! inconnue des médias nationaux et même regionaux inaudible dans tous les médias je crains que ce film ne soit un coup de poignard fatal à notre langue cela ressemble a de la colonisation par médias interposés Voila qu ‘on cherche a m imposer une identité qui n ‘est pas la mienne et avec les applaudissements des cons et des ignares

    Commentaire by berguenaerd — 4 juin 2008 #

Désolé, les commentaires sont fermés pour le moment.