Bling Bling et Bobo : b-a ba de la pensée bébête

mai 14, 2008 on 10:05 | In Best of, France, Insolite | 4 Comments

JusMurmurandi vient de sortir de deux années de cours intensifs de sociologie militante ; deux notions conceptuelles fortes lui ont été inculquées, une par année, le temps de bien les assimiler. JusMurmurandi tient par avance à présenter ses excuses aux lecteurs quelque peu rebutés par la difficulté technique et le pédantisme des termes qui vont suivre, mais la sociologie de haut vol ne peut faire l’économie d’un lexique à forte technicité.

La première année, JusMurmurandi a donc reçu un enseignement fondé sur un mot assez complexe : « bobo ». Le bobo est un concept provenant des Etats-Unis, importé sous emballage avec son contenu sous vide, le « bourgeois bohemian », ou bourgeois bohème, en français, sorte de bourgeoisie culturelle branchée, investissant les quartiers populaires avec l’air émerveillé que l’on imaginait jadis sur le visage des épouses de patrons d’industrie au XIXème siècle, lorsque ces dernières découvraient l’existence de la casquette ouvrière. Plus gauche que caviar, mais plus caviar que populaire ; pas facile… Puis finalement, avec le temps, JusMurmurandi finit par comprendre ce concept étrange ne désignait rien d’autre que les intellos roulant en vélib’ pour économiser l’argent des fraises bio venues par camions polluants de pays étrangers, et votant Dominique Voynet quoique cette dernière n’avoue lire que des bédés, soit dit sans discrimination aucune contre les bédés, on ne sait jamais…

Très vite hélas, l’affaire se corsa ; l’extrême-gauche s’empara de l’affaire, et s’en servit pour fustiger le divorce de la gauche avec le peuple ; le bobo, quoique bohême, demeurait bourgeois. Très vite, deux des têtes pensantes les plus prometteuses de l’extrême-gauche, utilisèrent leur plume acérée pour dénoncer cette nouvelle classe sociale qui rentrait même pas dans les cases de Trotski, parce qu’une classe sans case, ça manque de classe, quoi, merde ! Les deux brillants intellectuels engagés que sont donc Renaud et Didier Bénureau écrivirent chacun un pamphlet assassin contre les bobos, le premier sous forme d’une chanson que France Inter qualifia de « à texte », tandis que le second, dans un spectacle engagé lui aussi, put rappeler l’insoutenable vérité : certains bobos n’avaient pas hésité à voter Sarkozy. Ainsi que la professeure de sociologie se plut à l’expliquer, il allait de soi que si les bobos se mettaient à voter Sarkozy comme le prouvait l’étude sérieuse de Bénureau, la dimension originairement culturelle des bobos s’était naturellement estompée…

Fort de cette première année d’enseignement, JusMurmurandi rempila donc pour une seconde et essaya d’apprendre un second concept, plus difficile encore, et sémantiquement tout aussi complexe, celui de « blingbling » ; malgré la consonance quelque peu rebutante du mot, JusMurmurandi apprit assez rapidement que ce mot possédait un synonyme : Sarkozy. Pratique. Au lieu de dire que Nicolas Sarkozy venait de lancer une réforme du dialogue social dans des modalités que personne ne connaissait vraiment en détail, il suffisait de remplacer « Nicolas Sarkozy » par « blingbling » tout en supprimant évidemment la partie consacrée à la réforme, et l’analyse politique était faite ; ainsi, lors du partiel de synthèse de fin d’année où la question portait sur le détail de l’autonomie des universités, JusMurmurandi obtint un 18 en écrivant uniquement ceci : « Les Français n’ont plus confiance dans ce Président Bling-Bling qui ne pense qu’à l’argent » Mme la professeure gratifia même la copie de JusMurmurandi d’un encourageant commentaire : « analyse lucide, courageuse et originale. Prenez garde toutefois à l’excès de prolixité. » Combien réjoui était JusMurmurandi d’avoir trouvé le sésame de la reconnaissance intellectuelle !

Après ces deux années d’études intensives, JusMurmurandi fut donc doté de deux concepts forts, qu’il aimait à utiliser pour montrer l’étendue de sa maîtrise et la profondeur de ses analyses conceptuelles lorsqu’il lui fallait commenter l’actualité et la « vie sociétale de ce pays ».

Fier, les chevilles gonflées et le torse bombé de concepts brillants, JusMurmurandi chercha aussitôt à les utiliser devant un ami étranger pour lui montrer l’étendue de son intelligence ; sceptique, ledit ami étranger fronça les sourcils et, regardant JusMurmurandi d’un air hilare, s’esclaffa : « c’est donc ça, la dernière mode française : bégayer dans les salons parisiens des onomatopées enfantines comme un Bayou à ses débuts ? » Estomaqué, JusMurmurandi ne put que faire remarquer d’un air qui se voulait fin que Marianne et le Nouvel observateur faisaient souvent leur Une à l’aide de ces « onomatopées », et que Jean-François Khan n’était quand même pas un imbécile. « Jean-François qui ? » demanda l’ami étranger avec indifférence.

« Un bobo se délassant aux gargantuesques anniversaires blingbling d’Henri Weber au Cirque d’Hiver » pensa intérieurement JusMurmurandi en offrant à son interlocuteur un sourire de dépit.

4 commentaires

  1. Alors si on vote Sarko, même le peu ragoutant titre de bobo nous est interdit? Voter Sako, c’est la défaite de la pensée?
    Pourtant, il semble bien que ce soit la gauche qui soit en train de perdre la bataille des idées, malgré ses bastions de l’éduc nat, de l’enseignement supérieur, de la presse écrite etc.
    Ah pardon! j’ai un peu trop élévé le débat, disons simplement que la gauche fait pschittt…

    Commentaire by Frédéric — 15 mai 2008 #

  2. Non jm4, ne soyez pas dépité, tous ces étrangers ne comprennent rien à la supériorité intellectuelle propre au grand peuple français. Notre culture rayonne à travers le monde, et au-delà. Elle irradie tous ces petits êtres insignifiants. Notre histoire est d’une magnificence grandiose, et nos concepts les dépassent, nous ne pouvons trop leur en demander, c’est ainsi. Soyez rassuré, tout va pour le mieux.

    PS : Les socialistes ont inventé un nouveau synonyme à bling-bling : paquet fiscal. Ils le répètent sans arrêt, et drôlement bien qui plus est. Réjouissons-nous de leur difficile apprentissage, une nouvelle expression apprise, c’est comme une montagne conquise…

    Commentaire by Odanel — 17 mai 2008 #

  3. Cher Frédéric,

    La gauche a perdu la bataile des idées car elle a perdu le terrain du réel, très certainement ; les « idées » qu’elle avance sont sans vie, sans teneur, elles n’ont pas le courage d’intégrer en elles la teneur du réel ; l’idée sans la vie est une idée morte disait Hegel ; la gauche est intellectuellement morte, le cadavre bouge encore dans les urnes…

    Commentaire by jm4 — 18 mai 2008 #

  4. Cher Odanel

    Vous avez raison ; j’avais oublié, le temps d’une absence, à quel point la France guidait les nations et combien nos frères étrangers nous regardaient avec envie et admiration ; merci de le rappeler !

    Commentaire by jm4 — 18 mai 2008 #

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