Noter les professeurs, après les ministres et les juges?

février 11, 2008 on 10:37 | In Best of, France, Incongruités, Insolite | 3 Comments

Un site Internet permet aux élèves de noter leurs professeurs, et ce site fait scandale: note2be

L’idée de se faire noter révolte les professeurs au point que le SNES, leur plus gros syndicat, attaque le site en justice: communiqué du SNES

Evidemment, le SNES éprouve un certain mal à argumenter, car après tout un site internet peut se prévaloir de la liberté d’expression et d’opinion. Le syndicat évoque un « trouble manifestement illicite à l’ordre public ». JusMurmurandi leur souhaite bien du plaisir quand ils devront plaider cela au Tribunal. Le SNES villipende également les Pouvoirs Publics pour leur « intertie ». Pourtant les Pouvoirs publics sont davantage astreints au respect de la légalité qu’à satisfaire les caprices d’un syndicat à qui un site donne des boutons.

Plus largement, cet épisode, qui serait totalement trivial si ce n’était la réaction de la profession, pose 3 questions qui intéressent JusMurmurandi:

- est-il légitime de « noter » les professionnels? JusMurmurandi se souvient des vaticinations d’un syndicat de magistrats qui hurla à la Patrie en danger quand la police « osa » critiquer des décisions judiciaires: rien à voir: circulez! Dans le même genre, quand Nicolas Sarkozy « osa » annoncer que les ministres et secrétaires d’Etat seraient évalués et notés, quelle levée de boucliers!

- quand les sondages du même Nicolas Sarkozy ne sont pas bons, les mêmes syndicalistes et politiciens qui critiquent la notation tant des professeurs que des ministres disent que cette baisse représente un désaveu de sa politique et réclament un changement. Or, qu’est-ce qu’un sondage, si ce n’est une notation? Et encore, une notation simplifiée, binaire.

Mais le SNES a tort de s’imaginer que menacer le site d’un procès va le faire plier. Certes, il y a le précédent de Bertrand Delanoë qui a fait condamner un site d’opposition pour le faire taire. Mais les professeurs sont d’ores et déjà notés. Il suffit de mesurer les capacités de lecture et d’écriture, ou plutôt les incapacités croissantes de lecture et d’écriture, des élèves qui entrent au collège pour calculer leur note.

Et là, ni doute, ni site Internet, ni syndicat, ni procès. Juste des victimes, les enfants que l’Education Nationale laisse au bord de la route. Et tout le pays que ce gâchis prive aussi bien de pouvoir d’achat que de paix sociale.

Alors un site Internet « trouble l’ordre public »? Peut-être. Mais l’échec scolaire le ruine purement et simplement.

3 commentaires

  1. Pour une fois je vais faire mon syndicaliste… C’est très difficile de noter un professeur, d’une part parce que cela revient à introduire une réciprocité entre l’élève et le professeur, alors même que l’enseignement devrait poser la supériorité symbolique du maître (argument réactionnaire mais bon…) mais aussi parce que les professeurs, à partir du lycée, sont tributaires de la nullité de leurs élèves ; je veux dire par là quand on enseigne au lycée, il est trop tard pour rattraper tout leur retard ; de ce fait, vous aurez beau faire, vous ne les ferez pas écrire correctement leur langue, vous ne leur ferez pas faire de bonnes dissertations en lettres et encore moins en philosophie où il est souvent question de subtilités de langage ; il faudrait noter à la rigueur les enseignants de primaire et de 6ème, et les faire noter non par les élèves mais par les résultats objectifs des élèves par des évaluations globales, bref il faudrait ressortir le certificat d’étude, pour avoir une idée objective de ce que les élèves ont acquis en primaire. Après, c’est trop tard.

    PS : Je viens de me corriger un lot de copies de philo de terminale L : 100 % des élèves croient que le participe passé de « acquérir » est acquérit. Et bien ça, ça leur retire un point direct au bac mais ce n’est pas de la faute du prof de philo de terminale, enfin, j’espère… Bon ok je plaide pour ma paroisse.

    Commentaire by Gai Luron — 12 février 2008 #

  2. Ecrire que l’échec de (et à) l’école primaire ruine la vie des élèves aussi bien que l’odre social, c’est reconnaître son importance primordiale.
    Et, à l’école comme ailleurs, plus la tâche de quelqu’un est complexe et faite d’interactions, plus la noter devient compliqué. Est-ce pour autant qu’il faut laisser toutes les tâches complexes ni contrôlées ni notées?
    Un exemple de ce que cela peut donner est celui de Daniel Bouton. Qui persiste à se donner de très bonnes notes malgré quelques menues pertes.
    Quand à « acquérit », si ce n’est pas le participe passé du verbe « acquérir », je ne sais pas ce que c’est. Sinon, quel sens aurait la célèbre expression « avantages acquérits »?

    Commentaire by JM2 — 12 février 2008 #

  3. Héhé, très drôle le coup des avantages acquéris.

    Commentaire by Gai Luron — 21 février 2008 #

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