François 1er, roi de Navarre

février 24, 2008 on 4:25 | In Incongruités, Insolite, International | Commentaires fermés

Cette semaine a vu se dérouler un évènement d’une insondable gravité, la déclaration d’indépendance du Kosovo, jusque là province serbe. Lequel Kosovo a immédiatement été reconnu par les Etats-Unis et l’Union Eurpéenne, excusez du peu.

En apparence, quoi de plus classique que l’expression démocratique de la majorité d’origine albanaise, qui ne veut plus de la tutelle serbe, avec qui elle ne partage ni langue ni religion, et que la guerre civile a rendu sanglante?

Mais si l’on étend ce principe en apparence si positif, les conséquences seront monstrueuses. Par exemple, il y a la République serbe de Bosnie, qui, comme son nom ne l’indique pas, est un sous-ensemble non indépendant de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. La majorité serbe de sa population rêve d’indépendance. Comment la leur refuser au nom des mêmes principes qui ont été appliqués pour démembrer la Serbie de sa province kosovare?

A partir de là, toute sécession de toute entité géographique devra être reconnue comme légitime dès lors qu’elle sera adossée à un vote rérérendaire et à une « identité » (un peuple? une religion? une langue? une histoire? plusieurs de ces facteurs?). Ainsi la province moldave de Transnistrie, à tendance pro-russe. Ainsi la province arménienne du Nagorny-Karabakh, ou les provinces géorgiennes d’Abkhazie ou d’Ossétie du Sud, elles aussi pro-russes.

Ensuite la partition de l’Ukraine, entre l’Est pro-russe et l’Ouest pro-européen. Bien sûr cela légitime aussi la partition de Chypre entre la fraction majoritaire d’orgine grecque et la fraction à inclination pro-turque, qui, soit dit en passant, est un territoire de l’UE sous occupation militaire externe.

Puis il va falloir accepter le démembrement des pays baltes, où vivent des minorités russophones maltraitées par des Etats désireux de gommer toute trace d’une russification forcée et douloureuse. La Roumanie ne coupera pas à l’indépendance d’une Transylvanie d’origine hongroise, sur fond de querelle linguistique.

La France elle-même devra constater que beaucoup d’alsaciens se trouvent plus de points communs avec l’autre côté, allemand, du Rhin qu’avec Marseille.

Bien que pays basque espagnol, Corse, Nouvelle Calédonie et Québec aient rejeté par référendum des mouvements d’indépendance, il se trouvera bien dans ces territoires des poches à majorité indépendantiste, qui deviendront autant d’Etats.

Et la Belgique cessera d’exister. Sans parler de la Suisse.

Et à l’intérieur de chacun de ces nouveaux Etats, chaque poche identitaire, si petite soit-elle, pourra revendiquer son indépendance au nom de ces beaux principes et du précédent kossovar. Une province, puis une ville, un village, une rue même pourront revendiquer leur différence comme droit à l’indépendance.

Jean Lassalle pourra être Président de la République de la Vallée d’Aspe. Georges Frèche verra enfin réalisé son rêve de Septimanie, nom grandiloquent qu’il avait voulu donner à la région Languedoc-Roussillon. François Bayrou pourra ressuciter le royaume de Navarre d’Henri IV. Prendra-t-il le nom de François 1er? Bertrand Delanoë se verrait certainement bien chef d’un Etat Parisien. Sera-ce une théocratie comme le Vatican, avec BD en pape, ou une principauté comme Andorre ou le Liechtenstein, dont il serait prince, ou seulement un grand-duché comme le Luxembourg, dont il serait Grand-Duc?

De toute façon, il se trouvera toujours des régions riches pour vouloir se détacher des régions pauvres, comme veulent le faire les flamands belges, dont certains ont assez de payer pour les wallons. C’est aussi ce que veut Umberto Bossi, qui veut détacher l’Italie du nord des régions plus pauvres du sud. Cela permettrait aussi à Bertrand Delanoë de ne plus dépendre des autres (Etat, région, communes limitrophes) pour sa chère ville de Paris, ce qui lui vaut aujourd’hui les déboires que l’on sait pour ses chers Vélib’.

Ce qui serait intéressant si ce n’était aussi tragique, c’est que, plus les pauvres veulent rejoindre les riches (cf l’article précédent, Requiem pour la Loi), plus les riches veulent larguer les pauvres. Donc les pauvres s’accrochent par tous les moyens, et les riches les décrochent de même…
Et si c’était cela, le mouvement perpétuel?

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