La faute à qui?

janvier 24, 2009 on 9:16 | In Best of, Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, International | Commentaires fermés

« Il est tombé par terre, c’est la faute à Voltaire; le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau » Ces mots mis dans la bouche de Gavroche par Victor Hugo sonnent juste: notre système financier est par terre, et nous sommes le nez dans le ruisseau. La question qui émerge avec force est: c’est la faute à qui? Et derrière cette formulation se cachent en fait plusieurs questions: qui sont les gagnants, s’il y en a? Qui a fauté? Qui s’est trompé? A partie de quel moment est-on non plus simplement une victime (de la crise, d’un licenciement, de pertes immobilières ou en bourse, d’un refus de crédit), mais une Victime (de Madoff, de Lehman, d’emprunts « toxiques »)?

Alors, bien sûr, la première réponse, sur laquelle tout le monde est d’accord est de déclarer que « c’est la faute aux banquiers ». Parce que c’est là que les symptômes de la crise sont les plus visibles: pertes abyssales, effondrement du crédit interbancaire et vers les clients, besoins gigantesques d’argent public. Ce qui, couplé à des rémunérations pharaoniques, a tout pour créer un cocktail plus toxique que n’importe quel emprunt.

D’où des clameurs pour clouer au pilori les banquiers, leurs rémunérations, et le pouvoir qu’ils détenaient de « planter » ainsi le système financier mondial et de nous plonger dans une crise économique dont JusMurmurandi n’a eu de cesse d’écrire (et jusqu’ici amplement à raison, malheureusement) qu’elle serait pire que tout ce que nous avons connu au moins depuis les années 30. Plus de bonus pour les banquiers! Plus de dividendes pour leurs actionnaires! Nationalisons les! Régulons et encadrons-les! Faisons-les contrôler en permanence par leurs propres administrateurs. Renforçons les audits. Et surtout, blâmons-les pour tout!

Deuxième coupable évident: le système! Sans aller jusqu’à remettre en cause le capitalisme, faute d’avoir quoi que ce soit à proposer comme alternative, hormis, Besancenot et les ultras du genre du groupe de Julien Coupat, c’est la faute au système! Focalisation excessive sur le profit, et en particulier sur le profit à court terme, priorité aux services, et notamment aux services financiers, désintérêt envers l’industrie. A se demander comment nous avons pu exister avec un système perclus de tant de maux si graves.

Troisième catégorie de coupables indéfendables: les experts, agences de notation ou économistes de tout poil. Ils n’ont rien vu venir, rien annoncé, rien mis en place pour éviter ou amoindrir les conséquences de la crise, et ils sont muets pour nous en sortir.

Regardons cela de plus près:

D’abord, les hommes. Certains ont échoué, d’autres ont failli, d’autres encore ont fauté. Mais jeter la pierre aux hommes, c’est ignorer que, pour beaucoup, ce sont les plus brillants de leur génération. On peut être ahuri devant le désastre des constructeurs américains de voitures, aveugles au point de tout risquer sur les profits tirés des seuls gros véhicules sans voir qu’un jour un retour de balancier les précipiterait (et beaucoup d’entre nous avec) dans l’abîme. Mais combien de brillants jeunes diplômés ont choisi, ces 30 dernières années d’aller travailler chez General Motors plutôt que chez Goldman Sachs? Et si la crise actuelle est bien due à des excès financiers, la finance mondiale a créé une abondance sans précédent.

Ensuite le système. Jeter le système aux orties en raison de la crise actuelle, c’est oublier que la prospérité mondiale a cru de manière continue depuis des décennies, et ce pour le bien du plus grand nombre, y compris depuis 10 ans, de centaines de millions de Chinois et d’Indiens. Cela ressemble à condamner l’industrie pharmaceutique toute entière pour tel ou tel gaspillage, abus, échec ou scandale sans voir que l’espérance de vie de la population mondiale croît de façon régulière, et ce, avant tout, en raison de a disponibilité croissante de médicaments toujours plus efficaces.

Enfin, les experts. Les considérer comme de grands coupables serait leur faire trop d’honneur. Il suffit de voir qu’un trader de pointe gagnait en un jour ce que gagnait un « expert » universitaire en un mois ou un an pour se faire une idée de leur importance relative.

Alors, la faute à qui? Qui sont nos Voltaire, nos Rousseau? Bien sûr, on peut encore faire un dernier effort pour blâmer le désormais ex-Président Bush et ses âmes damnés (on a envie d’écrire « ses ânes damnés ») Cheney, Karl Rove et les néo-conservateurs. Ce qui conduit à accueillir Obama comme le Messie, et à en attendre qu’ils nous sauve tous. Mais comme JusMurmurandi n’a pas vu d’étoile filante ni 3 rois mages, il y a de très fortes chances que ceux qui y croient le plus soient les plus déçus.

La réalité, c’est que nous sommes tous les responsables, et que, s’il y a des coupables, c’est nous. Il est facile de dénigrer la mondialisation et la perte d’emplois qu’elle vaut à notre industrie. Mais qui se précipite pour acheter au moins cher, souvent en provenance de Chine? Si les consommateurs que nous sommes ne privilégiaient pas avant tout le prix dans notre choix, les entreprises ne pressureraient pas avant tout les coûts dans les leurs. D’autres choix sont possibles, comme le lieu de fabrication, l’éthique, le développement durable, l’innovation, la performance, la qualité. Mais non, nous, c’est le prix, donc le coût, donc la Chine.

La même chose est vraie avec le système économico-financier. Il est facile de vouer aux gémonies les fonds de pension qui exigent une rentabilité toujours plus forte, mais le feraient-ils si leurs clients, c’est-à-dire ceux qui leur confient l’argent de leurs futures retraites, ne choisissaient pas les gestionnaires sur le critère de la rentabilité, alors que les mêmes choix alternatifs sont possibles. Et ce système a créé une accumulation de richesses proprement incalculable. Car, pour perdre les sommes que l’on a vu fondre en bourse ou dans l’immobilier, il fallait d’abord qu’elles y soient arrivées.

Le plus intéressant peut-être est de constater que, quand nous sommes en période de prospérité, nous n’avons de cesse de trouver que nous n’allons pas si bien que cela, et que l’argent, somme toute ne fait pas le bonheur. Mais, que survienne une crise, et on constate bien vite à quel point la consommation nous est douce. Et que, si l’argent ne fait pas le bonheur, qu’il nous manque quand nous n’en avons plus tout à fait assez!

Mieux fait de se taire…

janvier 22, 2009 on 7:22 | In Coup de gueule, Incongruités, Insolite | 2 Comments

Florilège des déclarations que leurs auteurs auraient mieux fait, pour leur réputation, de s’abstenir de faire

Frédéric Lefebvre, porte parole de l’UMP, parlant du besoin de réformer les entreprises et leur gouvernance, veut des administrateurs véritablement indépendants, c’est-à-dire non rémunérés par l’entreprise dont ils sont administrateurs, et spécialistes du contrôle. En sommes des contrôleurs indépendants fouillant en permanence pour voir s’il n’y a pas de soucis. Pour ces nouveaux rôles d’administrateurs, il ne devrait y avoir aucun problème de recrutement: la suppression de la fonction de juge d’instruction, magistrat indépendant et enquêteur, devrait libérer de nombreux candidats répondant au souhait de M. Lefèbvre. Faute de quoi les inspecteurs du travail ont aussi un très bon profil, puisqu’aucune compétence en matière d’entreprise n’est apparemment requise.

Ségolène Royal, candidate PS autoproclamée à l’élection présidentielle de 2012, parlant de la vague de moqueries soulevée par ses déclarations disant qu’elle avait inspiré Barack Obama: c’était de l’humour! On se demande ce qui est le plus consternant: qu’elle pense effectivement avoir été copiée, ou qu’elle n’ait pas compris à quel point de telles remarques étaient risibles.

John Roberts, Président de la Cour Suprême des Etats-Unis d’Amérique, s’est emmêlé les crayons au mauvais moment. Celui, infiniment solennel, où il a fait prêter serment au nouveau Président, Barack Obama. Il a tout simplement mal placé le mot « fidèlement », et l’a ressorti au mauvais endroit. On aurait pu penser que le juge aurait répété et se serait mieux préparé. On aurait pu penser aussi que le nouveau Président aurait su le bref texte par cœur. Ce qui appelle deux commentaires. L’un, que ce n’est pas à Nicolas Sarkozy que ce serait arrivé, lui qui aurait déjà « vécu » ce moment mille fois par avance dans sa tête. L’autre, que si c’était arrivé à George Bush, tous les commentateurs se seraient précipité pour en tirer encore une preuve de son crétinisme.

Mais la palme revient à Samir Abu Hamza, qui est le dirigeant du réseau d’information islamique en Australie et Australasie. Cette « autorité religieuse » a déclaré qu’il était légitime qu’un homme recoure à la violence contre sa femme si les autres moyens de la faire obéir ont échoué. Mais seulement la violence légère, assure-t-il. Et de continuer en indiquant qu’une femme n’a pas le droit de refuser tous les désirs sexuels de son mari, ce qui fait qu’il ne comprend pas la définition australienne du viol. Sans commentaire…

Au secours, la gauche de Martine Aubry revient… à ses anciennes méthodes!

janvier 21, 2009 on 2:21 | In Best of, Coup de gueule, Economie, France, Incongruités | Commentaires fermés

Martine Aubry n’a pas perdu de temps. A peine élue, elle montre, avec son contre-plan de relance, où en est la pensée de la gauche en 2009. Et la réponse est simple, en 1981, compte tenu de la similitude de la pensée qui sous-tend cet ensemble de mesures avec les propositions du candidat PS.

Elle remonte beaucoup plus loin encore si on se souvient que le programme de 1981 de François Mitterrand n’était que le prolongement de celui de 1974, élaboré avant le premier choc pétrolier, à une époque qu’aujourd’hui on appelle « les trente glorieuses ». Un tout autre monde…

Quelques exemples:
- le PS veut transformer les aides déjà versées aux banques (qu’ils ont d’ailleurs refusé de voter) en prises de participation. C’est illégal parce qu’unilatéral et rétroactif. Qu’importe!
- le PS veut supprimer le paquet fiscal. Les premiers bénéficiaires sont ceux qui font des heures supplémentaires et leurs employeurs, c’est-à-dire des gens aux revenus modestes ou moyens et des entreprises, précisément ceux qu’il faudrait aider. Qu’importe!
- le PS veut augmenter de 3% le SMIC. Voilà comment on peut distribuer de l’argent sans augmenter les impôts ou le déficit. Les entreprises, dont beaucoup sont déjà en difficulté n’auront pas les moyens de payer, et ce sera une incitation supplémentaire à licencier et délocaliser. Qu’importe!
- le PS veut empêcher de licencier toutes les entreprises qui ne sont pas en grande difficulté. C’est le meilleur moyen qu’elles le soient quand on augmente les charges dans un monde ouvert à la concurrence. Qu’importe!
- le PS veut baisser la TVA de 1%, alors qu’on sait très bien que les distributeurs ne répercuteront pas ou pas entièrement cette baisse, et que l’augmentation de la consommation profitera avant tout aux produits importés. Qu’importe!

Bref, on voit le profil: 2 fois plus d’argent dépensé que la droite. Des dépenses à caractère pérenne (hausse du SMIC), des hausses d’impôts (suppression du paquet fiscal) un rôle accru de l’État (prime pour ne rien faire, hausse des allocations), taxation à mort (au sens propre du terme) des entreprises. Tout un programme, visiblement calibré pour cibler les électeurs de Besancenot au lieu de ceux de Bayrou, qui a du s’étrangler à la pensée rétroactive d’avoir failli s’allier avec ce PS-là.

Après la branchitude de Ségolène Royal, on sait maintenant quelle voie a pris le PS.

Celle de l’antiquititude.

S’ils n’étaient dans l’opposition pour encore au moins 3 ans, il y aurait des réels motifs d’inquiétude.

Et en espérant qu’ils restent encore longtemps dans la désuétude.

Martine Aubry

Le rêve de King devient, grace à Obama, réalité. Ou devient-il cauchemar?

janvier 20, 2009 on 3:45 | In France, Incongruités, International | 3 Comments

Martin Luther King avait un rêve, celui d’une Amérique réunie, apaisée, où la couleur de la peau ne serait plus que la conséquence d’une différence de pigmentation, et non la cause d’une différence de traitement.

Son investiture aujourd’hui, on a envie de dire son intronisation ou son couronnement, donne à penser à beaucoup que ce rêve est devenu réalité. JusMurmurandi espère que cela se révèle vrai.

Mais deux obstacles se dressent sur la route d’Obama, en dehors de ceux que le monde jette en travers de tous les Présidents américains, qui ont un emploi qui passe pour le plus difficile du monde.

Le premier réside dans les attentes phénoménales qui sont placées en lui, sans même qu’il y soit pour quelque chose, ni qu’il y puisse nécessairement quoi que ce soit. Plus un politicien arrive au pouvoir nimbé de la confiance de tous, plus il a des chances de réussir, tant la confiance est aujourd’hui un moteur du monde. Mais plus il doit satisfaire des attentes, et plus il a des chances de décevoir rapidement. Un parallèle s’impose avec l’Afrique du Sud. L’ANC de Nelson Mandela est arrivée au pouvoir après des décennies d’un pouvoir blanc compétent, raciste et ségrégationniste. Le bilan n’est pas uniformément rose. Notamment, pour les noirs qui attendaient de leurs frères de couleur qu’ils leur donnent accès à l’égalité économique, à l’emploi, à l’électricité, au logement, le rythme du progrès est trop lent, beaucoup trop lent. Raison pour laquelle ils ont éjecté leur propre Président en place, Thabo M’Beki, compétent et noir, mais pas suffisamment généreux à leur gré, pour le remplacer dans quelques mois par Jacob Zuma, autrement plus large en paroles et en promesses.

C’est la route qu’a suivie le Zimbabwe. Elle démontre qu’être noir après des blancs ne donne pas des droits mais des devoirs, et que le réalisme n’y a pas forcément sa place. Un sacré défi pour Obama, le temps de la lune de miel passé.

L’autre obstacle est que, jusqu’ici, les noirs ont pu faire valoir que leur absence relative de réussite était due à une forme de discrimination. La large élection d’Obama par un électorat en grande majorité blanc montre que ceux-ci ne discriminent as tant que cela, puisqu’ils ont jugé un homme à peau noire capable et digne d’assumer la charge suprême, éblouissant une fois de plus le monde par la formidable énergie démocratique de l’Amérique. Dès lors, une peau noire ne pourra plus, comme avant, servir de prétexte et d’excuse pour tous les échecs. Ainsi par exemple le footballeur vedette O. J. Simpson a-t-il réussi à se faire acquitter d’une accusation de double meurtre en expliquant à un jury largement noir qu’il était la victime d’une machination de policiers largement blancs. Maintenant, expliquer que les blancs rejettent, méprisent et/ou haïssent les noirs ne sera plus aussi simple et binaire.

D’une certaine façon, l’élection d’un noir représente la même forme de disparition d’un barrière jusque-là infranchissable que l’élection d’une femme. Ce qui eût pu arriver aux Etats-Unis, où Obama a eu beaucoup plus de mal à vaincre Hillary Clinton lors de primaires démocrates longues et indécises, que son concurrent républicain, le vieillissant John Mc Cain, ainsi qu’ en France, où Ségolène Royal a longtemps caracolé en tête des sondages devant tous les hommes, et notamment devant Nicolas Sarkozy qui l’a pourtant nettement battue en mai 2007.

D’où l’étonnement (le mot est faible) de JusMurmurandi devant la déclaration de Mme Royal, allée aux Etats-Unis pour assister à la cérémonie d’investiture du nouveau Président, qu’elle a inspiré Obama et que les équipes du gagnant américain ont copié la perdante française. Ainsi elle dit que l’équipe américaine a trouvé dans « Désirs d’avenir » la notion de « gagnant-gagnant », car elle ne sait pas qu’aux Etats-Unis le « win-win » est passé dans les moeurs depuis belle lurette.

A l’humble avis de JusMurmurandi, Ségolène Royal ne mesure pas qu’elle vient ni plus ni moins de s’attribuer la place de Martin Luther King. Il faut dire qu’après Jeanne d’Arc, pourquoi pas?

Barack Obama, Président des Etats-Unis d'Amérique

Vous avez dit…videndes??? Et pourquoi pas des bonus en plus?

janvier 19, 2009 on 10:07 | In Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, International | 6 Comments

Des dividendes? Et puis quoi encore? JusMurmurandi hoche la tête, perdu entre ahurissement et hallucination. Après une année 2008 sans précédent, où les banques ont dû, de par le monde, être renflouées par les Etats pour éviter d’être emportées comme la maison de paille du petit cochon par le souffle du grand méchant loup et d’être dévorées toutes crues par la crise, elles veulent faire comme si tout allait bien.

Et notamment distribuer des dividendes aux actionnaires et des bonus aux dirigeants. Argent qui, nécessairement sortirait d’un bilan renfloué et garanti par l’Etat, c’est-à-dire par les impôts des contribuables.

Les bonus, ou part variable de rémunération, comment les dirigeants pourraient-ils imaginer en toucher quand la survie même de leur Établissement a été mise en péril par les conséquences de leurs actes de gestion? Ce serait comme un guide de montagne ou un marin professionnel qui demanderaient leur salaire à des touristes qu’ils auraient emmenés au bord de la mort et qui n’auraient dû leur salut qu’à l’intervention de sauveteurs.

BNP-Paribas, qui mérite bien que l’on dise qu’elle a beaucoup mieux fait (ou moins mal, comme on voudra) que l’immense majorité de ses concurrentes, et qui est restée largement bénéficiaire en 2008, eût été la seule à pouvoir prétendre verser dividendes et bonus, vu qu’il y a effectivement des bénéfices à distribuer au lieu de feuilles de licenciement par dizaines de milliers comme ses concurrentes.

C’est, comme par hasard, celle qui a annoncé que ses dirigeants, MM Pébereau et Prot renonçaient à leurs bonus.

L’argument en faveur du versement des dividendes est plus fallacieux encore. Les actionnaires ont beaucoup souffert de la chute des cours des actions des banques en 2008. Ne pas leur verser de dividendes serait, à en entendre les apologues, les pénaliser plus encore.

JusMurmurandi rappelle qu’il y a des produits financiers à revenu garanti, qui s’appellent les obligations. Si les actionnaires avaient voulu, ils n’auraient eu qu’à en acheter à la place des actions. Mais, évidemment, ils n’auraient pas eu les fortes hausses de cours des dernières années. Bref, après avoir eu le meilleur, ils veulent éviter le pire, ou plutôt le refiler à l’Etat, suivant la tradition française de la privatisation des profits et de la nationalisation des pertes.

Et si les Etats ont du intervenir, c’est parce que les actionnaires n’avaient pas souhaité renflouer des banques en lesquelles ils ne croyaient visiblement plus. Et qui avaient donc de fait fait une croix sur tout dividende possible. Cette défection des actionnaires montre bien qu’il n’est pas nécessaire de leur verser un dividende pour éviter qu’ils ne s’abstiennent dans l’avenir, vu qu’ils s’abstiennent déjà massivement. C’est pour cela que les cours des actions des banques se sont effondrés, nettement plus que la moyenne des marchés. Et ces actionnaires devraient déjà être ravis que les Etats soient venus sauver leur capital en sauvant leurs banques, tels Zorro ou le Père Noël. Et en France cela ne diluera même pas ces actionnaires, contrairement aux Etats-Unis ou à la Grande-Bretagne.

Ces mêmes banques, pour certaines d’entre elles, ont conseillé à leurs clients des investissements qui se sont retrouvé dans le gigantesque trou noir creusé par Madoff. Et après avoir vanté la qualité de leur gestion, leur prudence, leur réputation, leur diligence à vérifier les fonds qu’elles recommandaient, la sécurité de actifs sous-jacents dans des prospectus où le nom de Madoff ne figurait pas même en petits caractères, mais leur leur en gros, elles voudraient se laver les mains des conséquences de leur inconséquence. Et ne pas indemniser les victimes.

Il faut dire que, si elles indemnisaient les clients qu’elles ont induit à cet investissement catastrophique, il resterait moins d’argent pour les dividendes et les bonus.

Vous me direz que je fais un raccourci abusif, que ce n’est pas le même argent, et pas toutes les banques, et vous aurez raison.

Mais c’est la même attitude d’irresponsabilité.

Le Japon a une tradition de « seppuku », plus connu pour sa phase finale, le « hara-kiri », ou suicide rituel de celui qui s’est déshonoré.

Pour les uns, c’est manifestement impossible, vu qu’ils n’ont jamais eu d’honneur

Pour les autres, JusMurmurandi tient des sabres à votre disposition. Enfin, disons qu’une démission sans prévis ni indemnités suffira.

Seppuku

Ne perdons pas notre temps!

janvier 18, 2009 on 8:26 | In Coup de gueule, France, Incongruités, Insolite | Commentaires fermés

Même plus le temps de parler! L’opposition s’étrangle de colère, et ne trouve pas de mots assez forts pour qualifier le projet sarkozyen de limite du temps de parole. Il est accusé de vouloir étrangler la démocratie, bâillonner l’opposition, égorger la constitution.

Qu’est-ce qui est en cause? Aujourd’hui, chaque groupe parlementaire dispose à l’Assemblée Nationale du droit de déposer des amendements à un projet de loi. Un droit illimité. Cela a permis à diverses oppositions de déposer des milliers d’amendements à tel où tel moment où un gouvernement proposait un texte dont elle ne voulait vraiment pas.

Ces amendements par milliers ne sont évidemment pas sérieux, car il n’y a pas des milliers de variantes possibles à un texte. Les députés en déposent donc qui ne diffèrent entre eux que par quelques mots. Ils en déposent qui ne sont même pas en français. Il n’est pas besoin qu’ils fassent du sens, ni qu’il y ait beaucoup de députés pour les défendre. C’est un droit, l’opposition en use. Et ne supporte pas que le projet actuel veuille le plafonner.

Il faut dire que la tendance récente est à une hyperinflation du nombre d’amendements. Ainsi la gauche en a déposé en moyenne cinq fois plus de 2002 à 2007 que la droite contre elle de 1997 à 2002

Cela peut atteindre des sommets hallucinants, comme les quelques 137537 amendements déposés en 2006 contre le projet gouvernemental relatif à l’énergie.

A la fin de 2008, le gouvernement a du demander au Président de France Télévision de supprimer de lui-même la publicité à la télévision, faute d’avoir pu, du fait d’une obstruction massive de ce type, mener à bien le travail parlementaire sur ce texte, qui n’était donc pas passé au Sénat. D’où aussi le ridicule d’un débat au Sénat pour légiférer sur une situation déjà actée par une décision de gestion de la société publique concernée.

Cette situation n’est pas propre à la France, puisque qu’aux Etats-Unis, cette obstruction par voie d’amendements porte le joli nom de « filibuster », dérivé du français « flibuste ».

Mais elle est de peu de conséquence en France, où le gouvernement dispose du célèbre article 49-3 pour forcer un vote sans débat, ce à quoi l’opposition voulait sans doute contraindre Nicolas Sarkozy, moment auquel elle eût pu l’accuser d’abuser de cet article pour court-circuiter la vie parlementaire. En oubliant au passage qu’elle-même, quand elle était au pouvoir a eu recours non seulement à cet article 49-3, mais aussi au gouvernement par ordonnances, encore plus rapide puisqu’il évite tout passage par l’Assemblée Nationale.

JusMurmurandi ne s’émeut pas beaucoup de tous ces troubles. La gauche criera et le texte passera limitant la temps de parole, ce dont la gauche se réjouira quand, un jour sans doute, elle sera à son tour au pouvoir.

De fait, il n’est pas sain qu’un gouvernement qui dispose d’un majorité légitime ment élue ne puisse pas légiférer, ce qui revient à nier sa victoire démocratique. Aux Etats-Unis, la seule façon pour une majorité d’échapper à un « filibuster » est de négocier pour que son texte reçoive le soutien de suffisamment de membres de l’opposition pour qu’il passe.

Car aux Etats-Unis, même avec des Présidents aussi polarisants que Richard Nixon, Ronald Regan ou George Bush, le travail parlementaire permet les votes individuels, alors qu’en France l’opposition fait presque toujours le choix de l’opposition systématique et en bloc. On en a vu un seul contre-exemple récent en France quand la voix de Jack Lang, seule, a permis à Sarkozy de faire passer sa réforme constitutionnelle.

Cela peut même aux USA aller jusqu’à ce que le gouvernement renvoie chez eux les fonctionnaires qu’il n’a plus les moyens de payer, faute d’avoir pu voter le budget! Que voilà une saine incitation à ne pas perdre de temps, et à s’entendre par-delà les clivages politiques!

De ce point de vue, adopter la pratique américaine serait un vrai progrès, une vraie ouverture. Encore faudrait-il que le MoDem, le PS ou le PC s’y prêtent, eux qui ont été la seule opposition d’un grand pays à ne pas voter le plan de soutien aux banques.

Dans l’attente de cette ouverture-là, la situation actuelle sera celle où le travail parlementaire n’aura pas beaucoup de sens, vue la capacité du gouvernement de passer en force. Et donc les dizaines de milliers d’amendements de l’opposition ne sont que du temps, de l’énergie et de l’argent des contribuables perdus.

Les limiter n’est donc pas forcément si inintéressant que cela. Car cela permettra peut-être d’amener les députés et sénateurs à travailler sur des sujets plus utiles. Auraient-il le sentiment d’en manquer, que JusMurmurandi et ses lecteurs pourraient en suggérer quelques-uns.

Une agression peut en cacher une autre

janvier 14, 2009 on 8:36 | In C'est ça, Paris?, Coup de gueule, Economie, France, Incongruités | Commentaires fermés

Une fois de plus les cheminots de la SNCF se sont distingués. Une grève « spontanée » a causé la fermeture de la gare St Lazare pendant la journée d’hier, et rendu misérable le transit de centaines de milliers de passagers (on n’ose dire usagers, encore moins clients). Sans compter les automobilistes coincés dans les encombrements qui en ont résulté.

La raison de cette grève: une agression sur un conducteur du RER A. Quel rapport avec les lignes de train de St Lazare? On se le demande encore. Sauf que, comme par hasard, un conflit durait à St Lazare depuis un mois. Et que les déclarations syndicales indiquant que l’agression du RER était liée à l’insatisfaction des usagers de St Lazare est fausse, et donc un mensonge éhonté et effronté. L’occasion était trop belle. Et la méthode choisie, créant délibérément un maximum de perturbation, met la direction de la SNCF sous un maximum de pression pour régler le problème à chaud. En lâchant, comme par hasard, des avantages sonnants et trébuchants aux grévistes.

Toute relation avec les élections professionnelles à venir à St Lazare en mars n’est que pure coïncidence, n’est-ce pas?

Toute ressemblance avec la technique russe de renégociation du prix du gaz vers l’Ukraine, entre les méthodes de Gazprom et Vladimir Poutine d’un côté et les syndicats SUD-Rail n’est que pure coïncidence, n’est-ce pas?

Sauf que le modus operandi est le même. Sauf que tous ont été formés aux méthodes marxistes de la lutte des classes.

Il ne manque plus que l’habituel concert de commentaires indiquant que distribuer des avantages aux cheminots grévistes, c’est à tout prendre bon pour le pouvoir d’achat et la relance, et donc bon pour le pays.

A noter que, ce matin encore, les encombrements sont énormes en région parisienne, tant les voyageurs échaudés hier font peu confiance aux cheminots pour tenir leurs engagements de reprendre le travail.

Quand on sait qu’une grève de 59 minutes pour une journée coûte à un cheminot 10 euros de revenus mais désorganise le service pour la journée, on voit l’attrait du système. Il se dit même que certains petits malins feraient grève de 59 minutes le matin pour être appelés en renfort et en heures supplémentaires payées cher à l’heure de pointe du soir, ce qui leur ferait gagner de l’argent en net, on comprend les malheureux chômeurs du matin, si enclins à un version très originale du « travailler plus pour gagner plus ».

Tant que dureront ces pratiques, les passagers se sentiront comme des mètre-cubes de gaz qu’on transfère ou non par des pipe-lines en fonction de combats politico-financiers. On se demande comment les Verts et leur allié Bertand Delanoë espèrent convaincre les automobilistes d’abandonner leur voiture si c’est pour tomber dans de tels guet-apens.

Tiens, aujourd’hui ce sont les transports en commun de la ville de Marseille qui sont en grève à la suite d’une agression contre un conducteur. Et les usagers, n’ont-ils pas le droit de se sentir agressés, eux aussi?

Faux, stupide et injuste !

janvier 11, 2009 on 8:03 | In Coup de gueule, France, Incongruités | Commentaires fermés

Que n’a t on entendu sur la réforme de France Télévision?

Les uns ont parlé de mégalomanie galopante du Président de la République (une fois de plus, car nous ne comptons plus de la combientième fois il s’agit ne serait-ce depuis son élection).

D’autres ont préféré faire de l’obstruction systématique au Parlement, prétendument au nom de la démocratie.

Enfin le Président de France Télévision a prononcé des propos très durs à l’encontre du jugement de Nicolas Sarkozy sur les programmes.

Sans parler du fait que ce dernier a clairement dit qu’il compte accomplir son devoir d’actionnaire et nommer le Président comme le font tous les actionnaires de toutes les sociétés anonymes de notre beau pays. Révolutionnaire.

Tout ceci alors que la télévision a, elle, été véritablement révolutionnée ces dernières années avec l’arrivée des satellites d’abord, du câble ensuite et maintenant de la TNT.

Contre vents et marées, après une bataille d’amendements aussi stérile que gaspilleuse des socialistes à l’Assemblée, la loi est en train de passer au Sénat.

Le même qui portait des jugements si durs, Carolis, a obtempéré en faisant arrêter la publicité au 5 janvier, comme prévu.

Donc avancé le commencement des programmes de la soirée à 20h35 sur les chaines de l’Etat.

Et est resté Président de France Télévision, ne démissionnant pas ni n’étant démissionné comme tant de ses prédécesseurs, alors même qu’il ne s’est pas gêné pour marquer son désaccord avec le Président de la République…Que ne se serait il pas passé si un chef d’entreprise publique avait osé prononcer des propos moitié aussi fort sur François Mitterrand ? On pourrait même se demander s’il serait encore en vie en se rappelant Grossouvre, Pelat, Bérégovoy et tant d’autres…

Que disent les Français aujourd’hui ?

Ils sont, selon un sondage CSA pour le Parisien, 78% à trouver cela une assez bonne ou une très bonne idée que d’avoir avancé le début de la soirée en supprimant la pub. Même parmi les  chefs d’entreprise, artisans et professions libérales qui rentrent plus tard chez eux.

Chiffre en progression de 8% par rapport à décembre dernier lorsque la mesure n’était pas encore en place.

Qui a dit faux, stupide et injuste ?

Ne pas désespérer

janvier 11, 2009 on 8:06 | In Coup de gueule, Economie, Incongruités, Insolite, International | Commentaires fermés

3 morts ont récemment défrayé la chronique, un chef d’entreprise français, un financier français à New York, un milliardaire allemand. Leur point commun: s’être donné la mort face aux difficultés et à la ruine probable.

Le financier français de New York avait fait sa pelote en drainant l’argent de ses clients et ses amis (plus d’un milliard de dollars) vers un gestionnaire de fonds américains aux rendements remarquables par leur niveau élevé et surtout constant même en temps de crise, le très respecté Bernard Madoff. Face au fait d’avoir ruiné ses clients et amis, il s’est ouvert les veines. Ce qui a valu à sa mémoire un éloge unanime pour un courage et une honorabilité intactes, à la hauteur des Anciens grecs et romains. Peut-être eût-il été plus courageux de rester et de faire face à ses responsabilités, et permettre à ses clients, qu’il faut bien appeler ses victimes, de mieux faire le deuil de leurs fortunes envolées. Car, s’il est clair qu’il n’avait aucune idée que Madoff était un escroc, ce qui l’absout de toute malhonnêteté, sa « responsabilité de suivi et de supervision » était engagée, comme l’a rappelé le régulateur du Grand-Duché de Luxembourg, en accord avec la directive européenne.

Sur le même sujet, à noter la disparition (pas le décès, « seulement » la disparition) de la très charismatique banquière autrichienne Sonja Kohn, fondatrice et dirigeante de la Banque Medici. Celle-ci a apporté 1,2 milliards de dollars de fonds de ses clients à Madoff. La raison officieuse de cette plongée dans la clandestinité serait que, parmi les clients de Mme Kohn figureraient des oligarques russes et ukrainiens, et que ceux-ci auraient le dépit plus menaçant et violent que d’autres face aux nouvelles que leur argent s’est envolé.

Autre mort, un milliardaire allemand, qui avait emprunté de l’argent à une de ses sociétés cotées pour spéculer sur le titre Volkswagen. Le cours de celui-ci a été fort agité, avec une hausse colossale puis une baisse tout aussi brutale après un communiqué de Porsche, qui était en train d’en prendre le contrôle, ait fait état d’une participation plus importante que généralement admise, ce qui a obligé les acheteurs à découvert à se couvrir à n’importe quel prix, faisant flamber le cours. Avant qu’un communiqué rectificatif le fasse retomber tout aussi vite. Une étrange affaire avec des côtés sulfureux qui en rappelle d’autres qui jalonnent la carrière de Ferdinand Piëch, petit-fils de Ferdinand Porsche, le génial inventeur qui créa la Volkswagen pour Adolf Hitler, lequel petit-fils n’a eu de cesse de tout faire pour reprendre le contrôle des deux entreprises créées par son grand-père, ce qui est fait aujourd’hui puisqu’il contrôle Porsche qui contrôle Volkswagen.

Ce qui est curieux, c’est que le dit milliardaire allemand, qui s’est jeté sous un train, était en voie d’aboutir à un refinancement de son empire. Et que donc, même encadré par les banques, ou rétréci, celui-ci n’était pas en poussière comme les avoirs des déposants de Madoff. Car si tous les « presque ruinés » doivent se donner la mort dès lors qu’ils ne sont « plus que  » riches à milliards après avoir l’avoir été par dizaines de milliards, alors il faut d’urgence agrandir les cimetières de Moscou, de Shanghai ou de Mumbay…

Enfin, un sujet que JusMurmurandi a déjà traité, un chef d’entreprises français qui s’est suicidé après n’avoir pas pu éviter le dépôt de bilan de son chantier naval. Et là encore, la presse de lui tresser des couronnes de héros à l’ancienne. Pour autant, et si son intégrité et son sens de l’honneur sont infiniment respectables, est-ce bien de laisser sa fille seule face à son désir de faire face? Le père n’aurait-il pu l’accompagner dans sa lutte? Lui, qui connaissait mieux que tout autre les ressources possibles de son entreprise ne pouvait-il les mettre à la disposition de l’administrateur judiciaire pour que la meilleure solution possible soit trouvée? S’il s’estimait responsable de la très mauvaise passe où se trouvait le chantier, ne fallait-il pas qu’il contribue à l’en sortir? Car, là encore, si tous les chefs d’entreprise qui vont connaître le tribunal de commerce dans les prochains mois devaient se suicider, il faut d’urgence agrandir les cimetières. Ce serait un gâchis incommensurable en plus d’une souffrance immense pour les proches qui ne peuvent s’empêcher, même quand ils n’y sont pour rien, de culpabiliser en se demandant ce qu’ils n’ont pas su faire pour empêcher la vague de désespoir de tout emporter.

Non, face aux difficultés, il ne faut pas désespérer. D’autant qu’un rebond est toujours possible. Combien de carrières se sont redressées après un échec.

JusMurmurandi a cherché un exemple de rebond pour prouver cette affirmation et terminer cet article à la tonalité grave sur une note d’espoir. Sauf que le meilleur exemple de rebond, de la part d’un homme qui ne s’est jamais avoué battu est-il un si bon exemple que cela? Sa première entreprise capote, n’importe, il en fera d’autres, et surtout il en reprendra nombreuses au tribunal de commerce, créant un petit empire et brassant des milliards. Sa notoriété au zénith, son nom en train de devenir un nom commun, il devient ministre malgré sa sulfureuse réputation. Puis tout s’effondre. Faillite, banqueroute, prison. Mais lui ne se suicide pas, il se bat, et, à la stupéfaction de tous, après 15 ans de procédures, obtient un arbitrage qui va lui rendre un pécule non négligeable.

Ce spécialiste du rebond, mais qui n’est pas un exemple, vous l’avez reconnu. C’est Bernard Tapie! Décidément, un article qui va de Madoff à Tapie pour parler d’espoir. De Bernard à Bernard, il y aurait de quoi se méfier de ce prénom, sauf que le nom du chien d’avalanche salvateur qui vous sauve quand tout est perdu, c’est le Saint-Bernard!
Bernard Madoff
Bernard Tapie
Saint-Bernard

Qui se ressemble s’assemble

janvier 10, 2009 on 9:14 | In Best of, C'est ça, Paris?, Coup de gueule, Economie, Elections présidentielles 2007, Europe, Incongruités, International, La Cour des Mécomptes | Commentaires fermés

Toute la presse hexagonale annonce à renfort d’articles le rapprochement entre ce qui reste d’Alitalia et le groupe Air France KLM, devenu un des deux premiers transporteurs aériens mondiaux.

Tout au long de ces derniers mois, on a longuement décrit Alitalia comme un grand européen dont il ne reste que quelques (mauvais) souvenirs, tant la concurrence, la mauvaise gestion et la faiblesse permanente des gouvernements successifs face aux oukases syndicaux.

En parallèle, les Français se rengorgent du succès de l’alliance Air France avec KLM, avec bons chiffres à l’appui.

Pour JusMurmurandi, la réalité est bien différente.

Si la taille des deux entreprises est clairement à la faveur des Français, bien des mauvaises pratiques si facilement décriées chez la compagnie transalpine se retrouvent chez nous.

Syndicats outranciers et personnels trop gâtés: si les pilotes Italiens se font toujours chercher par leur employeur en voiture à leur domicile pour se rendre au pied de l’avion, avantage négocié dans les années 70, qui a oublié toutes les grèves historiques d’Air France, y compris à la veille de la coupe du monde de football en 1998 ?

Ou encore les pilotes d’Air Inter, seuls au monde qui réclamaient le pilotage de l’Airbus A 320 à trois ?

Ou récemment encore, la grève pour s’opposer à la faculté qui serait accordée à ces pilotes qui souhaitent retarder leur départ en retraite ?

Sans parler de ce qui avait fait l’objet d’un article particulier de JusMurmurandi, le formidable fromage des GP (gratuits personnel) qui n’étaient soumis ni à l’impôt ni aux charges sociales ??

Le soutien public au détriment de la concurrence.:  combien de milliards ont été gaspillés chez Alitalia, y compris récemment par Berlusconi, qui, encore candidat, s’opposait avec véhémence à un rapprochement franco italien?

Combien de manœuvres ont été accomplies afin que la France reste le seul pays majeur d’Europe qui ne compte pas une compagnie à coûts réduits pour les moyens courriers comme on les connait en Allemagne (German Wings, Air Berlin), en Espagne (Vueling, Clickair), Grande Bretagne (BMI, FlyBe, Ryanair, easyJet, Jet2…), Italie (Volareweb, Meridiana) ?

Ah si, il y en a bien une, c’est Transavia…qui est une ancienne filiale de KLM relancée par le nouveau groupe. Et pendant qu’Air France facture avec une audace sans pareil 50 Euro la possibilité de s’asseoir à côté d’une issue de secours pour avoir plus de place, elle vend des billets à 65 Euro pour faire l’aller retour Paris Porto. Allez comprendre. Ainsi, combien d’emplois n’ont pas été crées au seul bénéfice de protéger Air France ?

Une flotte surannée: Si Alitalia se débarrasse de ses vieux clous, DC 9 et autres MD 80 qui sont très gourmands, les premiers A 320-100 d’Air France, qui ont plus de 20 ans volent toujours. On les reconnait facilement, ils n’ont pas de saumon ou « winglet » au bout des ailes. Heureusement, le tableau est plus favorable pour les longs courriers où Air France a fait la part belle à Boeing et son 777.

Sur les lignes internationales américaines, où elle est seule avec son alliée Delta (Miami par exemple), vous paierez en classe économique deux, trois fois le prix que proposent certains concurrents pour des destinations équivalentes dans des conditions de transport comparables à la classe affaires.

Ahurissant, mais vrai. Tout au profit de la compagnie, tout au détriment du client. Pardon du passager.

Si le carburant a beaucoup baissé (plus que les taxes, surtaxes du même nom d’ailleurs), le nombre de passagers va suivre la même tendance avec le ralentissement économique et il va falloir être vigoureux. Bon moment pour passer la main comme le fait Spinetta à Gourgeon pour Air France…

Bref, à l’heure où tout le monde semble se réjouir de ce rapprochement, en particulier parce qu’il empêche Lufthansa ou British Airways de mettre la main sur Alitalia, gageons qu’il n’y aura pas de choc de cultures d’entreprises. Tout ce petit monde se retrouvera en pays de connaissance.

Dis moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es…

La matelas et le ressort

janvier 10, 2009 on 8:08 | In Best of, Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, International | 4 Comments

On le sait, pour qui veut bien dormir, un bon matelas est indispensable. Mais à quoi sert un bon matelas sans un bon sommier? Et notamment, parmi les meilleurs, un sommier à ressort?

Avec cette entrée en matière, JusMurmurandi serait-il devenu soit marchand de sommeil, soit Webmarchand en périodes de soldes? Ni l’un ni l’autre, puisqu’il s’agit en fait de crise économique, plutôt du genre à vous faire perdre le sommeil.

Ce qui est intéressant, dans le genre glauque, c’est de constater que l’économie américaine a détruit, en 2008, la bagatelle de 2,6 millions d’emplois, le pire chiffre depuis 1945, et un cauchemar pour Barack Obama. Pendant ce temps, le chômage remontait à 7,2%, son plus haut niveau depuis 1993.

Pendant ce temps-là, en France, le chômage est repassé au dessus de la « barre » des 2 millions de chômeurs. Or, en 1993, le compte était à 3 millions. Faut-il en déduire que la France fait mieux, beaucoup mieux que les USA en termes de chômage, alors qu’on pense couramment le contraire?

En fait, l’économie française n’a pas encore commencé à détruire des emplois en masse. Les délais légaux de communication aux comité d’entreprise, de négociations obligatoires, de recours innombrables font qu’il s’écoule au moins 6 mois entre la décision et les licenciements. Et que ceux-ci sont assortis de préavis et d’indemnités qui allongent encore de nombreux mois le moment où le chômeur sera face à une pénurie de revenus. Pénurie atténuée par des versements d’allocations très supérieures, sauf exceptions, à celles en vigueur aux Etats-Unis.

La vague qui a frappé les USA est donc en avance sur la nôtre sur ce plan, mais nous ne l’éviterons pas. Notre système de délais sert de matelas amortisseur, comme aussi nos nombreux millions de fonctionnaires et autres employés de services publics et para-publics réputés intouchables. Alors que les Etats-Unis sont en récession depuis la fin 2007, la France aborde 2009 en l’ayant non pas évitée, mais retardée.

Et quand on regarde ce qui s’est passé entre 1993 et 2008, il est clair que les Etats-unis ont passé beaucoup plus de temps en plein emploi, avec des taux de chômage de moins de 5%, que la France, qui n’y est jamais parvenue depuis les années 60, et où la lente décrue du chômage est en partie due à une démographie en baisse.

Donc, avant de dauber sur les problèmes de l’économie américaine à l’aune de leurs déboires, qui sont réels et massifs, de ricaner sur la fin du leadership américain dans une forme de schadenfreude (joie trouble provoquée par les difficultés des autres) à la française, et de gloser sur la supériorité de notre matelas, gardons-nous de sous-estimer le ressort américain, qui leur a si souvent permis de sortir d’une crise plus vite et plus fort.

Car un matelas qui n’est pas couché sur un sommier avec du ressort devient vite mou et inerte. Le sommeil du dormeur s’y révèle inconfortable, et celui-ci a bientôt du mal à s’en extirper. C’est la langueur japonaise des années 80 et 90. Sauf que le dormeur japonais qui n’a certes pas de ressort pour se redresser, n’a pas, avec son futon, de matelas non plus pour amortir sa chute.

En attendant, les employés des hôpitaux, non contents d’avoir la sécurité de l’emploi, avantage dont on verra en 2009 tout le prix, demandent sans vergogne à Sarkozy plus de fric au motif que, s’il a aidé les banques, il peut bien aider aussi les personnels hospitaliers.

Ils ont aussi peu de chance d’être entendus par un Etat français qui n’a justement plus d’argent pour eux, ni pour d’autres d’ailleurs, au motif qu’ils ne sont pas les plus à plaindre et qu’il fallait absolument sauver les banques, pour irresponsables qu’elles aient été, que de voir voir le Prince Charmant réveiller la Belle Endormie.

Tiens, c’est de saison, il y a justement de la neige dehors, et tout est blanc.

Quand les bourses peuvent venir au secours de la bourse

janvier 8, 2009 on 9:35 | In Economie, France, Incongruités, Insolite, International | Commentaires fermés

La facilité avec laquelle l’Oncle Sam a trouvé -à crédit, mais trouvé quand même- des centaines de milliards de dollars pour soutenir les banques, les compagnies d’assurances, les constructeurs automobiles américains menacés par la crise, cette facilité attise les convoitises.

Deux leaders d’un secteur qui génère 13 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel demandent au Congrès une aide de 5 milliards pour combattre la baisse d’activité qu’ils voient arriver. En effet, les Américains, déprimés par la crise, vont, d’après eux, moins consommer.

Or, toujours d’après eux, si les Américains peuvent se passer de beaucoup de produits ou de services, le leur est absolument indispensable.

Le secteur est l’industrie du sexe. L’un des deux signataires de la demande est le pornographe notoire et patron de presse Larry Flynt, l’autre, Joe Francis, est un éditeur de DVD porno, et a été récemment en prison pour faits liés à la prostitution.

Ils souhaitent donc que le Congrès vote une aide pour relancer l’appétit sexuel des Américains.

JusMurmurandi se demande ce qu’il faut penser de cette demande. D’un côté, aider des pornocrates, c’est un peu raide. D’un autre, il est exact que les périodes de crise ont toujours été fastes pour les industries de la détente et du délassement, alors pourquoi pas celle du plaisir? Enfin, il faut leur donner acte que la lecture des journaux et la vision des informations télévisées ne donnent pas à priori des envies de galipettes.

D’un autre côté, les débats autour d’une telle aide ne pourraient qu’être très réjouissants. Si elle était votée pour relancer l’appétit sexuel des Américains, il faudrait donc la cibler vers ceux qui n’en ont plus, mais pourraient en ravoir. Ce qui par exemple, pourrait concerner les produits tels le Viagra. Je ne suis pas persuadé que ce soit ce que Larry Flynt ait en tête. Ensuite, il faudrait la diriger vers ceux qui ne consomment pas, car aider ceux qui consomment déjà donnerait naissance à ce qui, en économie, s’appelle un effet d’aubaine.

Il faudrait aussi se pencher sur le fait que, pour qu’il y ait consommation, il faut qu’il y ait à la fois offre et demande. On imagine les discussions dans un couple si l’un des deux membres veut consommer pour bénéficier de l’aide, et que l’autre refuse, ce qui empêche toute subvention.

On se demande comment il pourra y avoir vérification de consommation. Même le Patriot Act ne donne pas ce genre de pouvoirs à l’administration américaine.

Mais, en fait, JusMurmurandi doute fort que cette demande soit prise au sérieux par les membres du Congrès. Parce que, si l’on pense au nombre d’entre eux qui se font prendre en flagrant délit d’infidélité, il semble difficile qu’ils s’identifient à une Amérique dont on ait besoin de relancer l’appétit sexuel…

Supprimé!

janvier 8, 2009 on 7:45 | In France, Incongruités, Insolite | Commentaires fermés

L’establishment judiciaro-politique est en ébullition. Une fois de plus, une réforme envisagée par Nicolas Sarkozy les prend, c’est le moins qu’on puisse dire, à rebrousse-poil. Il veut tout bonnement supprimer les juges d’instruction, une fonction qui remonte à plusieurs siècles, et qui est une des caractéristiques uniques de notre système judiciaire.

Le but de cet article n’est pas de disserter sur la vertu -ou non- de cette suppression et d’une enquête confiée au seul Parquet. Ce qui intéresse JusMurmurandi, c’est qu’elle est révélatrice de l’approche sarkozyenne en matières de réformes, dont un aspect au moins est, à notre connaissance, absolument unique dans l’histoire de la Ve République.

Il ne rajoute pas, il supprime. Soit directement, soit en fusionnant deux fonctions en une

Avant lui, Pompidou, Giscard, Mitterrand ont créé, ajouté, rajouté, empilé, accumulé. Lui, comme dans les films d’Audiard, il atomise, il disperse, il ventile.

Les exemples sont suffisamment nombreux et variés pour montrer qu’il s’agit bien d’une approche délibérée et non d’une quelconque coïncidence.

La fusion ANPE-ASSEDIC pour créer un guichet unique de l’emploi

La fusion entre la direction générale des impôts et la direction générale du trésor public

La fusion entre les renseignements généraux et la DST

La réforme de la carte judiciaire avec suppression de nombreux tribunaux

La réforme de la carte hospitalière avec suppression de nombreux services ou hôpitaux locaux

La réforme de la carte militaire, avec suppression de nombreux casernements et établissements militaires

Le rapprochement, valant très probablement fusion future, entre gendarmerie et police

La fusion annoncée entre régions et départements

La suppression du juge d’instruction

Alors, bien sûr, chacune de ces réformes suscite des levées de bouclier. D’abord parce que l’opposition socialiste est contre tout ce que fait le gouvernement. Ensuite parce que ceux qui vont ou craignent d’y perdre des emplois, du statut ou des avantages sont contre. Tous ceux qui pensent qu’il y a plus à gagner à être contre qu’à être pour sont contre. Tous ceux qui sont contre le changement quel qu’il soit sont contre. Tous ceux qui ont plus peur de l’échec d’une réforme qu’envie de faire avancer les choses sont contre. Bref, rien que de l’ordinaire en France.

Alors, bien sûr, nombreux sont ceux qui, après avoir dénoncé un dysfonctionnement et l’avoir mis au débit du gouvernement, mettent en avant un avantage du système supprimé pour mettre celle-ci au débit du gouvernement.

Alors, bien sûr, nombreux sont ceux qui, après avoir soutenu la proposition du candidat s’opposent à la réforme du Président.

Alors, bien sûr, nombreux sont ceux qui, après avoir monté en épingle un incident isolé pour critiquer tout un système, en choisissent un autre pour s’opposer au nouveau système proposé.

Il est clair de la liste qui précède que, quoi qu’il soit beaucoup trop tôt pour tirer un bilan de toutes ces suppressions, Nicolas Sarkozy doit être crédité d’un effort sans précédent pour remodeler l’appareil d’Etat français. Et que, contrairement à ses prédécesseurs, dont la méthode pour parer à un dysfonctionnement état d’ajouter une couche de mécanisme correcteur sans se soucier d’alourdir toujours plus la barque, Sarkozy essaie de simplifier et d’alléger sans se soucier des héritages du passé ou du statu quo.

Il semble même attiré plus par le changement que par la stabilité, comme s’il voulait imprimer à toute la France ce furieux désir de progression qui marque son combat politique. Alors que ses prédécesseurs, infiniment plus immobiles dans leur exercice du pouvoir, n’avaient pas eu à faire le même parcours personnel non plus.

Si JusMurmurandi était facétieux, nous pourrions ajouter à cette liste qu’il y un autre exemple de deux fonctions fusionnées en une par Nicolas Sarkozy: le Président de la République et le Premier Ministre.
Et les socialistes, qui ont maintenant à leur tête non pas une, mais deux femmes, semblent prendre le même chemin et la même inspiration, chacune des deux rêvant de dire à l’autre: « supprimée! »

La carte et le menu

janvier 7, 2009 on 7:09 | In Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, La Cour des Mécomptes | Commentaires fermés

En ces temps de diète économique, chacun se souvient de la différence entre la carte, qui permet de choisir n’importe quel plat dans un restaurant tandis que le menu, généralement à prix fixe, offre un choix plus limité soit en nombre de plats soit quand à la sélection disponible.

Ce qui parait impensable serait qu’un restaurateur décide arbitrairement qu’une partie des clients seraient à la carte, tandis que d’autres n’auraient accès qu’à la partie congrue à savoir le menu.

Impensable?

Eh bien non, car c’est exactement ce que vient de pondre le Ministère du Travail au travers de sa réforme de la retraite en autorisant les salariés à travailler jusqu’à 70 ans.

Car les salariés sont les seuls à choisir s’ils restent ou non dans l’entreprise.

L’entreprise, elle, doit se plier à leurs désirs.

Et de manière compliquée en plus.

Trois mois avant leur 65ème anniversaire au plus tard, le responsable des ressources humaines doit écrire à tous les salariés concernés, chaque année jusqu’à leur 70ème anniversaire pour leur demander ce qu’ils souhaitent.

Mais si l’entreprise désire profiter de l’arrivée de la retraite d’un salarié pour s’en séparer à moindres frais parce qu’il serait, par exemple, devenu légitimement moins productif, eh bien non ! Ce choix n’appartient qu’aux salariés.

JusMurmurandi pense qu’avec des réformes de ce type, aussi défavorables à la compétitivité des entreprises, qui restreignent une fois de plus la liberté de décision de leurs chefs, de nature à saper l’attractivité de la France pour les entreprises étrangères, au profit de la production théorique de meilleurs chiffres pour le coût des retraites, il faut immédiatement se réjouir du départ de Xavier Bertrand du Ministère du Travail à l’UMP.

http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=301A69F69C1355CBD338ECE350E746F0.tpdjo14v_1?cidTexte=LEGITEXT000006072050&idArticle=LEGIARTI000019959701&dateTexte=20090107&categorieLien=id

Les infirmières sont-elles des sorcières, et les docteurs des loup-garous?

janvier 5, 2009 on 10:21 | In Coup de gueule, France, Incongruités, Insolite | Commentaires fermés

JusMurmurandi se souvient du grand courant de sympathie qui avait saisi l’opinion publique lors de la grande grève des infirmières, destinée à leur valoir une meilleure rémunération. Voilà une profession qui requiert de longues études, qui expose ses personnels à des heures de travail longues et à un risque permanent d’erreur aux graves conséquences, et qui est, globalement, mal payée.

Mais quand un enfant est mort à l’hôpital d’avoir reçu par erreur une perfusion à la place d’une autre pour soigner son angine, l’infirmière, pourtant très bien notée, a été immédiatement suspendue et mise en examen. Ce avant que l’enquête ne montre que la perfusion qu’elle a prise par erreur n’avait pas à se trouver là où elle était, avait été livrée et rangée là par erreur et ressemblait à s’y méprendre à celle qu’elle eût du administrer. Où donc était le moindre courant de sympathie pour cette infirmière-là?

Ce tragique décès a agi comme le premier souffle d’un vent mauvais. La deuxième rafale a été celle d’un homme décédé de problèmes cardio-vasculaires après avoir attendu des heures que des régulateurs lui trouvent un lit dans un service d’urgence en région parisienne. Le rapport du parquet indiquant que l’autopsie a montré que cet homme n’eût probablement pas survécu à son accident circulatoire même en étant admis immédiatement a été accueilli avec les sarcasmes réservés aux tentatives maladroites d’auto-disculpation.

Troisième rafale, une femme de 82 ans est décédée, qui avait été renvoyée dans sa maison de retraite la veille par un hôpital où elle avait été admise pour des symptômes de déshydratation et de difficultés respiratoires. Les causes de la mort ne sont pas connues, mais l’avocat de la famille indique qu’il va mettre en cause Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé, car la vieille dame serait, aux dires de sa famille restée 8 heures sur un brancard sans qu’un médecin la voie. L’hôpital a une version très différente, affirme qu’infirmières et médecin ont vu et soigné la patiente qui, en outre, a été vue après son retour en maison de retraite par le médecin de celle-ci, lequel n’a rien signalé ou jugé bon de faire. Qu’importe! La famille, sûre qu’il y a eu faute, porte plainte, et les média de relayer abondamment cette « série noire »

Soyons clair, tout décès entraîne la douleur de la famille, et la demande de celle-ci de savoir si tout a été fait est tout-à-fait légitime. Ainsi que celle de tout faire pour qu’une erreur, voire une faute s’il y en a eu ne puisse être répétée au détriment d’un autre patient.

Il est clair aussi que la profession médicale a eu tendance à se réserver le bénéfice des enquêtes sur des « incidents » de ce genre, et à en exclure les non médecins, ce qui a permis dans certains cas, de nier abusivement toute faute. Les scandales du sang contaminé ou de l’hormone de croissance sont des exemples de ce refus de transparence et de responsabilité.

Mais là, où va-t-on? Si quelques heures sont trop longues pour admettre un patient aux urgences, quel est le délai admissible? 30 minutes? 60? Si le patient meurt en 45 minutes, est-ce la faute de l’hôpital?

Sans oublier que, derrière la peine des familles éprouvées se profilent des revendications financières ou politiques. Les médecins urgentistes réclament plus de postes et la revalorisation de leurs revenus. Les familles veulent des indemnités pour faute. L’opposition dénonce ces décès comme le résultat de la politique d’économie du gouvernement.

Que veulent les Français? Si le seul résultat acceptable de l’hôpital est « zéro mort », il va y avoir des conséquences. D’abord financières, car le coût du zéro-mort est extravagant. Redondance généralisée des moyens, multiplication des examens, assurance hors de prix, entre autres. Une recette dont les Etats-Unis donnent un avant-goût, ruineuse en termes de coût sans pour autant donner de meilleurs résultats sanitaires. Un bon exemple est celui d’une personne qui ferait un accident de santé sur la voie publique: aux Etats-Unis, tout médecin qui lui porterait secours, et qui ne disposerait pas, à l’évidence, de détails sur sa condition médicale, s’exposerait à des poursuites par la famille et leurs avocats requins payés à la commission en cas de problème. Alors que font-ils, ces médecins? Ils changent de trottoir, tout simplement.

Mais après tout, si tel est le choix éclairé des Français, pourquoi pas? Le problème est ce qu’on observe en gynécologie-obstétrique, et qu’une telle attitude généraliserait. Les grossesses ne sont jamais tout à fait sans risques. Les médecins, à force d’être attaqués en justice quand l’une d’entre elles ne va pas à un terme heureux, sont confrontés à un coût d’assurance qui peut dépasser 30% de leur chiffre d’affaires, ce qui est évidemment insupportable. Le résultat est simple: il n’y a quasiment plus de sage-femmes, et le nombre de médecins accoucheurs ne cessera de baisser vu que cette spécialité n’attire plus personne en raison de son rapport risque-rémunération désastreux. Et ceci n’a rien à voir avec une quelconque politique d’économies de santé, ces praticiens ressortant du secteur privé.

Si bien qu’en fait, à force de tenir les gynécos pour responsables de tout ce qui peut mal se passer, il n’y en aura plus du tout. JusMurmurandi doute que ce soit vraiment à l’avantage des femmes et des parents.

Alors peut-être faut-il raison garder, et ne pas brûler les infirmières et les médecins que nous avons tant aimés. Qu’il faille s’efforcer de minimiser les décès évitables, bien sûr. Mais, de même que notre société croyait que le progrès avait vaincu les crises économiques et que celles-ci ne pouvaient plus arriver, avant d’être durement démentie par l’actualité des derniers 12 mois, nous voudrions croire que la mort n’est plus que la fin après une vie toujours longue, très longue. Le fait est que tous les jours cet espoir est cruellement démenti. Soit parce que certains d’entre nous sont moins bien lotis dès la naissance, soit parce que d’autres rencontrent la fatalité, que ce soit sous la forme d’un accident de voiture ou d’un accident médical.

De même que nous n’interdisons pas toutes les voitures parce que certaines ont des accidents même mortels, n’interdisons pas nos médecins et nos infirmières même quand ils sont simplement des êtres humains, souvent merveilleux, pas toujours irréprochables.

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